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de « maréchal de l’ost », qui était vacante depuis la mort d’Adrien de Croy, comte du Rœulx. Au moment où il se disposait à quitter les Pays-Bas, Philippe, voulant reconnaître les services que les seigneurs belges lui avaient rendus dans les dernières guerres, accorda aux principaux d’entre eux des gratifications qui devaient leur être payées après son retour en Espagne : le comte d’Arenberg fut compris dans cet acte de libéralité pour six mille écus.

Le traité de Cateau-Cambrésis avait rendu la paix aux Pays-Bas ; Jean de Ligne en profita pour vouer tous ses soins aux provinces dont le gouvernement lui était confié. Il ne s’en absenta plus guère que dans de rares occasions, comme au mois de février 1563, où la duchesse de Parme l’envoya à Liége. Robert de Berghes avait annoncé l’intention de résigner le siége épiscopal de cette ville ; la duchesse, désirant que le chapitre élût, à sa place, quelqu’un qui fût agréable au roi, jugea que le comte d’Arenberg serait plus propre que tout autre à y disposer les membres de ce corps. L’élection qu’ils firent de Gérard de Groesbeek répondit à son attente.

Jean de Ligne avait été l’un des tuteurs d’Anne d’Egmont, fille du comte de Buren, première femme de Guillaume le Taciturne, prince d’Orange. Ses relations avec ce prince, sans avoir un caractère d’intimité, étaient amicales ; il était intervenu, en 1557, au mariage de sa sœur Marie de Nassau avec le comte Van den Berghe ; il lui écrivait, en 1559, en France, où il était allé en otage : « Je vous prie me faire part quelques fois de ce quy passe là, et ne faudray de faire le mesme d’issy[1]. » Cependant, lorsque Guillaume, Egmont et Hornes formèrent une ligue contre le cardinal de Granvelle, Jean de Ligne refusa d’y entrer ; il déclara qu’il serait injuste à lui de se plaindre du gouvernement, dont il n’avait reçu que des faveurs, et, quant au cardinal, qu’il ne pouvait lui en vouloir, car il lui avait toujours fait plaisir dans les choses raisonnables qu’il avait demandées. Il en résulta une mésintelligence ouverte entre lui et les chefs de la ligue. Avec le prince d’Orange les choses en vinrent au point que ce prince réclama de lui plusieurs milliers de florins, prétendant qu’il en était resté redevable au comte de Buren pour des gageures perdues : à quoi il riposta en réclamant, à son tour, le remboursement des dépenses qu’il avait faites au temps de la tutelle de la première femme du prince. Il répondit aussi au comte d’Egmont, qui lui faisait des reproches sur ce que leurs projets s’étaient ébruités, que, si leurs plans étaient connus, ils ne devaient s’en prendre qu’à eux-mêmes, qui ne parlaient jamais d’autre chose.

Un des objets que Philippe II avait le plus à cœur était l’érection des nouveaux évêchés qu’il avait obtenue du pape Paul IV. Trois de ces évêchés, ceux de Leeuwaerden, de Deventer et de Groningue, avaient leur siége dans les provinces placées sous l’autorité du comte d’Arenberg. Il employa tous les moyens qui étaient en son pouvoir afin de persuader les états de recevoir les prélats que le roi y avait nommés, mais il n’y put parvenir. Le tableau fait à la duchesse de Parme, dans un écrit du mois de juillet 1565, de la situation des choses dans ses gouvernements explique cette opposition des états, lesquels y étaient encouragés, d’ailleurs, par l’exemple de ce qui se passait en Brabant et en Gueldre : « Le faict de la saincte foy et religion — y est-il dit — ne va pas trop bien aux pays de Frise, Overyssel et Groningue, ains y croît le mal de plus en plus, en pluralité et diversité de sectes et hérésies, principalement en la ville du Dam et de Groeningue, aussy ès villes et plat pays d’Overyssel, et ce à l’occasion des voisins, des alliances, escolles et conversations que les estrangers, à cause du commerce, ont nécessairement audict pays, et réciproquement ceulx du mesme pays avec lesdicts estrangers, aussy pour ce que les curez y preschent aujourd’hui plus librement que à l’accostumée, etc., etc. »

Appelé à Bruxelles par la duchesse de

  1. Lettre écrite de Gand, le 14 juillet 1559, conservée en original autographe aux Archives de la Haye.