Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/227

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Parme, avec les autres gouverneurs et chevaliers de l’ordre, quand elle apprit que les confédérés s’y étaient donné rendez-vous pour lui présenter des remontrances, Jean de Ligne assista aux délibérations qui eurent lieu dans les derniers jours de mars 1566 et le mois suivant, sous la présidence de la gouvernante. Il s’y prononça pour l’abolition de l’inquisition et la modération des placards ; mais il ne fut pas de l’avis du prince d’Orange, des comtes d’Egmont et de Hornes et de leurs adhérents quant à l’assemblée des états généraux et à la suprématie à attribuer au conseil d’État sur les conseils privé et des finances : il trouva que la réunion des états produirait plus de mal que de bien, et la concentration des affaires dans les mains du conseil d’État lui parut de nature à les embarrasser, au lieu d’en accélérer l’expédition. Il vota, du reste, pour l’envoi du marquis de Berghes et du baron de Montigny au roi, afin de lui faire connaître l’état du pays et le solliciter d’y venir. Après les saccagements du mois d’août, qui avaient glacé de terreur la gouvernante, il l’assura qu’elle pouvait compter sur lui, qu’il ferait tout ce qu’elle lui commanderait.

Cependant le compromis, la présentation de la requête, les concessions que le gouvernement s’était vu obligé de faire aux confédérés, avaient eu leur contrecoup dans les provinces de son gouvernement[1] : les nouvelles doctrines religieuses s’y étaient propagées avec rapidité, grâce surtout aux prédicateurs qui y étaient accourus de Lubeck, de Brême et d’autres lieux de l’Allemagne ; en beaucoup d’endroits l’exercice du culte catholique se trouvait suspendu, les églises étaient fermées ou converties en temples protestants, les ministres zwingliens baptisaient et mariaient ; une partie des curés, cédant au torrent, ne disaient plus la messe, et ils chantaient des psaumes en leur langue maternelle ; des églises et des monastères enfin avaient été livrés au pillage. Ces désordres, et l’impuissance où il était d’y remédier, navraient de douleur Jean de Ligne ; il était choqué particulièrement de ce que les bourgeois de Leeuwaerden se montraient chaque jour en armes, avec fifres et tambourins, et tirant des coups d’arquebuse et de pistolet, jusqu’auprès du château où il tenait sa résidence : « Je puis asseurer V. A. — écrivait-il à la duchesse de Parme —, que ne pourroy aucunement porter au cœur ces façons de faire tant téméraires et outrecuydées, ni endurer telles approches et dommageables à ladicte maison….. Et n’est à dire, Madame, le regret et le desplaisir que ce m’est de veoir les choses en ces termes, et que ne me reste aultre moyen de remédier à l’ung et l’aultre comme désireroy bien[2] »….. Il avait pourtant, à son retour de Bruxelles à Leeuwaerden, fait preuve d’énergie : les bourgmestres lui ayant présenté deux aimes de vin pour sa bienvenue, il les avait refusées, leur disant que, tant qu’ils n’auraient pas remis les églises et le service divin en leur premier état, « il ne vouloit estre en leur compaignie, ni avoir hantise et conversation avec eulx[3]. »

Le 16 octobre, il alla trouver au Loo, sur la Veluwe, le comte de Meghem, gouverneur de Gueldre et de Zutphen, pour se concerter avec lui : tous deux furent d’avis que la faiblesse de l’administration avait été cause du mal qui était arrivé, et ils demandèrent à la duchesse de Parme de les autoriser à lever chacun quinze enseignes d’infanterie et six cents chevaux ; avec ces forces ils se flattaient de rétablir l’autorité des lois dans leurs gouvernements. Marguerite d’Autriche leur répondit (23 octobre) que l’argent lui manquait ; elle les engagea à temporiser, à user de remontrances, d’exhortations, de prières. Quand le roi eut

  1. A Leeuwaerden, c’étaient trois gentilhommes nommés Antoine van Egmont, Frédéric van Egmont et Josué d’Halverdgen, qui avaient apporté l’acte de confédération signé de Brederode, Louis de Nassau, Charles de Mansfelt, et qui, après y avoir eux-mêmes apposé leurs signatures, l’avaient présenté à un grand nombre de personnes, pour qu’elles le souscrivissent aussi. Devant l’hôtellerie où ils étaient descendus, ils avaient placé les tableaux de leurs armes avec la devise de Vive les Gueux. (Lettre du comte d’Arenberg à la duchesse de Parme, du 31 janvier 1567).
  2. Lettre du 17 septembre 1566, écrite de Leeuwaerden.
  3. Autre lettre du 17 septembre.