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était arrivé aux Pays-Bas. Ce prince, par des lettres du dernier février 1635, commit au grand conseil le jugement de la cause d’Albert de Ligne : une chambre de sept conseillers à choisir par le président et auxquels serait imposé le plus grand secret, devait en être chargée[1].

Le 16 avril 1635, le cardinal-infant fit son entrée solennelle à Anvers. Comme il se proposait d’y visiter la citadelle, le prince de Barbançon en avait été extrait la veille et transféré au château de Vilvorde[2]. Le mois suivant, il fut conduit au château de Rupelmonde, pour être confronté avec le sieur de Maulde, frère de l’ex-gouverneur de Bouchain, Georges de Carondelet, qui avait été mis en cette prison d’État[3]. On le ramena ensuite à Anvers.

Il y avait trois ans qu’il avait été arrêté ; il y en avait deux que toutes poursuites étaient abandonnées contre lui : cependant on ne le jugeait pas et on le retenait sous les verrous. Il s’en plaignit au cardinal-infant, en demandant, ou qu’on le condamnât, s’il était coupable, ou qu’on le rendît à la liberté, s’il était innocent. Tout ce qu’il obtint du grand conseil, à qui Ferdinand renvoya sa demande, fut qu’il « pourrait faire parinstruire de sa part le procès, pour, ce fait, y être ordonné comme il appartiendrait[4]. » C’était là une étrange manière d’administrer la justice. Albert de Ligne s’y soumit néanmoins : il présenta requête au grand conseil, « afin qu’il fût ordonné aux fiscaux de passer outre à la parinstruction de son procès ou d’y renoncer. » Le cardinal-infant en écrivit lui-même à cette cour souveraine[5]. Les fiscaux prétendaient toujours que des preuves leur manquaient, mais qu’ils ne renonçaient pas à les recueillir. Les mois, les années s’écoulaient ainsi. La princesse de Barbançon fit alors des démarches personnelles auprès du frère de Philippe IV, et le cardinal-infant ordonna aux sept conseillers qui composaient la chambre chargée de juger le prince, de lui donner leur avis, chacun à part, sur son procès. Tous déclarèrent uniformément qu’ils ne trouvaient contre le prince aucune preuve des faits dont il était accusé[6]. Peu de temps après, Ferdinand d’Autriche mourut (9 novembre 1641). Albert de Ligne renouvela ses sollicitations auprès de don Francisco de Mello, à qui Philippe IV avait confié le gouvernement intérimaire des Pays-Bas. Cette fois elles eurent plus de succès : le 24 décembre 1642, Mello le fit mettre en liberté et conduire à Namur, qu’il lui assigna pour résidence, sous le serment fait par lui et la caution, donnée par la princesse sa femme, qu’il ne sortirait pas de cette ville[7].

Albert de Ligne ne resta pas longtemps confiné à Namur : don Francisco de Mello lui permit bientôt après d’aller partout où il voudrait dans les Pays-Bas, hormis à Bruxelles, et cette unique restriction fut levée par le marquis de Castel-Rodrigo, qui succéda à Mello, en 1644. Une pleine et entière liberté lui était ainsi rendue. D’ailleurs il se vit différentes fois appelé, par l’un et l’autre des deux gouverneurs que nous venons de nommer, à des réunions des conseils d’État et de guerre ; il reçut de don Luis de Haro des lettres où le premier ministre l’assurait que le roi avait toute satisfaction de sa personne ; Philippe IV même le chargea d’investir, en son nom, le duc d’Amalfi du collier de la Toison d’or. Il pouvait croire, d’après tout cela, que son innocence avait été reconnue. Cependant on ne le rétablissait pas dans ses charges militaires, et on ne lui en conférait aucune autre. C’était en volontaire que, voulant servir le roi et le pays, il avait dû faire la campagne de 1646. Lorsqu’il lui arrivait d’en manifester son étonnement, les ministres lui répondaient qu’ils avaient les mains liées par les ordres de la cour[8].

Dans cette situation, il crut devoir

  1. Registre du grand conseil, n° 927, fol. 48.
  2. Gazette de France, année 1635, p. 219.
  3. Ibid., p. 315.
  4. Appointement du 4 juillet 1637. (Archives de l’office fiscal de Malines).
  5. Lettre du 5 mars 1639 (Arch. du grand conseil).
  6. Lettre de l’archiduc Léopold à Philippe IV, du 8 février 1650 (Archives du royaume : Secrétairerie d’État).
  7. Actes conservés dans les arch. de l’office fiscal.
  8. Tous ces faits sont tirés de la lettre qu’il écrivit à Philippe IV en 1647.