Aller au contenu

Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
AURORA FLOYD

des braconniers, et qu’il pensait bien que tous les détails seraient éclaircis par l’enquête. Ce constable n’était qu’un simple fonctionnaire rural, habitué à des délits sans importance, tels que le braconnage, le vol d’une poule, etc., etc., ce qui faisait que dans une circonstance comme celle-ci il n’était pas maître de la situation.

Prodder et les grooms soulevèrent la planche sur laquelle reposait le corps et se dirigèrent dans la direction de la porte du nord, marchant un peu en avant des trois gentlemen et du constable. Le garçon du Grand Cerf alla retrouver son cheval pour l’amener jusqu’à la loge où il devait rejoindre Prodder. Tout s’était fait si tranquillement que la nouvelle de la catastrophe ne franchit pas les grilles de Mellish Park. Dans le silence de la nuit, Conyers fut reporté à la petite chambre par la fenêtre de laquelle, quelques heures seulement auparavant, il avait jeté sur le monde un regard de lassitude et de dégoût.

Cette vie sans but avait été brusquement tranchée ; l’insouciant passager était arrivé prématurément au terme du voyage. Quel récit plein de tristesse, quelle page inachevée et sans signification ! La nature, aveugle dans ses bontés pour les enfants qu’elle ne connaît pas encore, avait répandu les dons les plus riches sur cet homme. Elle avait créé une forme splendide et avait choisi une âme au hasard, l’enfermant sans le savoir dans l’argile la plus finement modelée. De tous ceux qui lurent le récit de la mort de cet homme dans les journaux du dimanche, pas un ne versa une larme sur lui ; il n’y en avait pas un seul qui pût dire : « Cet homme s’est arrêté une fois en route pour me rendre un service, que Dieu ait pitié de son âme ! »

Me montrerai-je donc sensible à sa mort, et regretterai-je qu’il n’ait pas été épargné un peu plus longtemps, qu’il ne lui ait pas été donné un jour de plus pour se repentir ! Eût-il vécu éternellement, je ne crois pas qu’il eût encore vécu assez longtemps pour devenir ce qu’il n’était pas dans sa nature d’être. Que Dieu, dans sa miséricorde infinie, ait pitié des âmes qu’il a lui-même créées, et pardonne à l’obscurité où il a retiré la lumière ! Les phrénologues qui ont examiné