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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

vous bien triste si je devais vous quitter avant votre mariage ?

— Me quitter avant mon mariage ! N’est-il pas convenu que vous devez vivre avec maman et être une fille pour elle, quand je ne serai plus là ? Et puis vous viendrez à notre cottage, vous me donnerez des conseils pour tenir une maison, vous m’apprendrez comment on devient une épouse raisonnable, utile, économe, et dévouée. Nous quitter, Diana ! Qu’ai-je fait, qu’a fait maman, ou M. Sheldon, ou qui que ce soit, pour que vous puissiez parler d’une chose pareille ?

— Ce que vous avez fait, chère fille, chère amie, chère sœur ? Tout ce qu’on peut faire pour inspirer une affection et une reconnaissance éternelles. Vous avez fait de moi, qui étais une créature aigrie, déçue, envieuse, oui, envieuse, même de vous, votre amie dévouée. Vous avez remplacé l’amertume de mon cœur par la confiance. Vous m’avez appris à oublier que mon enfance et ma jeunesse s’étaient passées dans une longue nuit de misère et de dégradation. Vous m’avez appris à pardonner à mon père, qui avait souffert que ma vie fût ce qu’elle était, sans faire le moindre effort pour m’arracher au sombre découragement dans lequel j’étais tombée. Je ne puis en dire plus, Charlotte, il y a des choses que les mots ne peuvent rendre.

— Et vous voulez me quitter ? dit Charlotte avec un étonnement où se mêlait l’accent du reproche.

— Mon père veut que je vous quitte, Charlotte, et une autre personne aussi… quelqu’un que vous devrez connaître et qui devra vous plaire avant que je sois sûre qu’il me plaît à moi-même.

— Il !… s’écria Charlotte très-surprise. Diana, qu’allez-vous m’apprendre ?