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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Un secret, Charlotte. Quelque chose que mon père m’avait défendu de dire à qui que ce soit, mais que je ne veux pas vous cacher. Mon pauvre père a trouvé un généreux ami, un ami qui est presque aussi bon pour lui que vous l’êtes pour moi. Que la Providence est miséricordieuse quand elle donne des amis aux déshérités ! J’ai eu l’occasion de voir suffisamment ce gentleman, qui est si bon pour papa. Il y va, je vous l’avouerai, de l’intérêt de papa. Puis je l’ai jugé généreux, brave, loyal. Je veux parler de M. Lenoble. J’ai consenti à devenir sa femme.

— Diana, s’écria Charlotte avec un air grave qui avait quelque chose d’alarmant chez une si douce créature ; voilà qui ne sera pas !

— De quoi voulez-vous parler, chère ?

— Non, ma chère, non ! J’ai tout compris. Dans l’intérêt de votre cupide, de votre intrigant de père, vous voulez épouser un homme que vous ne pouvez aimer. Vous êtes au moment d’offrir votre pauvre cœur meurtri et désolé sur l’autel du devoir filial. Ah ! chère, vous ne pouvez penser que j’ai oublié ce que vous m’avez dit, il y a deux mois à peine, quoique j’aie l’air frivole et que je vous parle toujours de lui, faisant étalage de mon bonheur, comme si je n’avais aucun souci de la blessure encore mal fermée de votre noble et généreux cœur. Mais je ne suis pas complètement sans mémoire, Diana, et je ne permettrai pas un tel sacrifice. Je sais que vous avez renoncé à lui pour moi… Je sais que vous l’avez arraché de votre cœur, comme vous me l’avez dit ce soir-là. Mais le vide pénible qu’il a laissé dans votre âme sera sacré, Diana. Aucune image étrangère ne viendra le souiller. Vous ne sacrifierez pas la paix de votre vie à l’égoïsme de votre père. Non, chère