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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

non. Avec maman et moi, vous avez toujours une famille. Vous n’avez pas à vous soumettre à un marché aussi cruel ! »

Et sur ces mots, Mlle Halliday se mit à pleurer et à couvrir son amie de caresses, comme dut faire la confidente de la fille d’Agamemnon quand la jeune princesse connut l’arrêt de Calchas.

« Mais si je considère comme un devoir pour moi d’accepter l’offre de M. Lenoble, Charlotte ? insista Mlle Paget avec un certain embarras. M. Lenoble est aussi riche qu’il est généreux, et mon mariage avec lui assure un asile tranquille à mon père. Les rêves insensés dont je vous ai parlé la veille de Noël s’étaient déjà évanouis dans mon esprit quand j’ai osé en parler. Je n’avais plus qu’à faire l’aveu de ma folie quand la sagesse m’était venue. Je vous en prie, ne me croyez pas intéressée. Ce n’est pas parce que M. Lenoble est riche que je suis disposée à l’épouser, c’est parce que…

— Parce que vous voulez vous sacrifier à l’intérêt de votre égoïste père ! s’écria Charlotte. Il vous a négligée toute votre vie ; et maintenant il vient trafiquer de votre bonheur. Soyez ferme, ma chérie, votre Charlotte vous reste et elle saura vous assurer un asile, quoi qu’il arrive. Qu’est-ce que c’est que ça, M. Lenoble ? Quelque vieux, laid, désagréable, j’en suis sûre. »

Mlle Paget sourit et rougit.

L’image de Gustave s’était présentée à sa pensée pendant que Charlotte disait cela.

« Non, chère, répliqua-t-elle, M. Lenoble n’est pas vieux, il a trente-cinq ans au plus.

— Trente-cinq ans ! répéta Charlotte d’un air peu charmé. Vous n’appelez pas cela être vieux… Et comment est-il ?…