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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/131

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LA FEMME DU DOCTEUR

parlait que fort peu, en comparaison de Sigismund et de M. Raymond, qui tous deux excellaient dans ce genre d’exercice ; mais quand elle ouvrait la bouche, il y avait dans ses paroles quelque chose de vague et de rêveur, — quelque chose qui jetait George dans un nouvel étonnement et augmentait encore son admiration pour elle. En ce moment, il oublia tous les conseils de la prudence ; il démentit toutes les belles doctrines de son adolescence ; il se rappela seulement qu’Isabel était la créature la plus charmante du monde entier ; il ne sut plus qu’une chose : qu’il l’aimait, et que son amour, comme tout amour sincère, se mêlait à un doute modeste de ses propres mérites et à un respect exagéré de ceux de la jeune fille. Il l’aimait aussi purement et aussi tendrement que s’il avait pu exprimer sa passion dans le poème le plus magnifique qu’on eût jamais écrit ; mais dans l’impossibilité de donner une forme à ses sentiments, son amour et lui-même paraissaient également timides et vulgaires.

Je ne m’étendrai pas davantage sur cette fête champêtre, bien qu’elle parût à George embrasser l’espace de plusieurs années, car il parcourut avec Isabel les sentiers touffus qui s’étendent du parc de Hurstonleigh au village de ce nom, et s’arrêta avec elle dans le petit cimetière et sur le pont jeté sur la Wayverne, qui glissait comme un ruban d’argent au milieu des joncs. Il demeura en cet endroit à ses côtés, pendant que les enfants, Sigismund et M. Raymond faisaient préparer le thé dans un cottage modèle, et jetaient la vieille femme modèle dans un tel état de surexcitation qu’elle pouvait à peine tenir la théière, et qu’elle se trouva en danger imminent de briser une de ses soucoupes en porcelaine, sortie en grande cérémonie d’une armoire