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LA FEMME DU DOCTEUR.

malheureuse opulence de la pauvre Édith, qui marchait sur les diamants et portait tous les jours des robes de velours nacarat.

— La pauvreté ne m’effrayerait pas, — répéta la jeune fille, car elle pensait que si elle n’épousait ni un duc, ni un Dombey, ce serait quelque chose au moins que de connaître par expérience la phase sentimentale de la pauvreté.

Gilbert la prit au mot.

— Alors vous m’épouserez, chère Isabel ?… Vous m’épouserez, Isabel, ma femme adorée ?

La violence de ses propres sentiments l’étonnait presque lorsqu’il se baissa pour embrasser la petite main dégantée qui s’appuyait sur le parapet moussu du pont.

— Oh ! Isabel ! si vous pouviez savoir combien vous venez de me rendre heureux !… si vous saviez…

Elle le regarda avec une expression de stupeur. Était-ce donc arrangé si soudainement… sans plus de réflexion ? Oui, c’était arrangé ; elle était l’objet de cet amour qui dure une existence entière, George l’avait donné à entendre. Le roman était commencé : elle était une héroïne.

— Bonté divine ! — s’écria Smith en sautant sur le parapet du petit pont et s’essayant dans le rôle d’un Blondin amateur, — si la vieille femme modèle qui a obtenu tant de prix, — nous avons admiré ses diplômes encadrés dans un parloir comme je croyais qu’il n’en existait que dans Lilian l’abandonnée, qui, vous le savez, est fille d’un villageois et se fait enlever par un hobereau en bottes à revers, en passant par une fenêtre à vitres losangées (j’ai expérimenté sur la fenêtre de la vieille femme et Lilian n’aurait pas pu y