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LA FEMME DU DOCTEUR.

son mariage ; mais elle avait cédé. Sa vie ne lui avait pas encore appartenu et elle se disait qu’elle ne lui appartiendrait jamais, car maintenant que sa belle-mère avait cessé de la gouverner au moyen de ces accès spasmodiques de violence communs aux femmes très-éprouvées dans la conduite de leur intérieur, il y avait George avec sa ténacité et son bon sens. — Ah ! comme Isabel haïssait le bon sens ! — et force lui était de le reconnaître pour son maître.

Mais elle se regarda dans la glace et vit qu’elle était jolie. Était-ce seulement de la gentillesse ou quelque chose de plus, en dépit de la robe noire ? Elle voyait son pâle visage et ses cheveux noirs éclairés par les bougies et elle pensait que si cet état de choses ne cessait pas, — c’est-à-dire si le tintement de l’argenterie, l’éclat des cristaux, le garçon empressé et respectueux, ce parfum de luxe et d’élégance, pour ne pas dire d’Édith Dombeyisme, qui remplissait l’atmosphère pouvait durer, — elle n’aurait qu’à se louer de son nouveau sort. Malheureusement cette existence aristocratique ne devait avoir qu’une période éphémère, car George avait confié à sa jeune femme que son intention n’était pas de dépasser un billet de dix livres, et un beau soir, après le dîner, il s’amusa à faire des calculs abstraits pour savoir combien de temps cette somme tiendrait contre les frais d’un séjour à l’hôtel.

Le jeune couple resta une semaine à Murlington. Ils se firent conduire aux environs dans une voiture découverte, admirant consciencieusement ce que les guides appelaient les beautés de la localité, et les vents âpres de janvier leur rougirent plus d’une fois le nez. La possession de la femme qu’il aimait si tendrement