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LA FEMME DU DOCTEUR

Isabel était restée devant le Tintoret. Elle était stupéfaite de voir que Raymond connaissait ces êtres, et qu’il était même familier avec eux. Oui, ces êtres, ces habitants de cette sphère lointaine qu’elle ne connaissait que par ses rêves. Toujours debout devant le Tintoret, elle s’aventura à jeter un coup d’œil timide sur ces personnages éblouissants.

Que vit-elle ? Un jeune homme à demi couché dans la profonde embrasure d’une fenêtre, éclairé par derrière par les rayons du soleil, et la brise d’été soulevant ses cheveux noirs négligemment rejetés en arrière, des cheveux d’un noir luisant, plus foncés, d’une teinte plus chaude que les cheveux ordinaires. Elle vit un homme pour lequel la nature bienfaisante ou capricieuse avait, dans un moment de fantaisie, prodigué les dons que les hommes convoitent le plus et que les femmes admirent. Elle vit un des plus beaux visages qui aient paru depuis celui avec lequel Napoléon, le jeune conquérant de l’Italie, fascina la France régénérée ; un de ces visages qui ne se trouvent que dans un petit nombre de vieux portraits italiens ; un visage beau, rêveur, parfait, exquis de forme et de couleur. Je ne crois pas qu’aucune de mes paroles puisse rendre la physionomie de Roland Lansdell ; je ne puis que détailler brièvement ses traits, qui étaient la perfection même, mais qui ne formaient qu’une faible partie des charmes homogènes de la beauté extérieure de ce jeune homme privilégié. Le nez était un composé de l’aquilin et du grec ; mais c’était dans la forme des narines, dans le contour ferme et cependant délicat, qu’il différait des autres nez. Le front n’était ni haut, ni bas, mais large et plein aux tempes ; la tête riche en facultés perceptives, très-riche en bienveil-