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LA FEMME DU DOCTEUR.

lance, et sans l’ombre de l’instinct de destruction ; mais Raymond aurait pu dire que le respect et la sincérité manquaient sur le crâne de Lansdell, — défaut qui ne pouvait être trop déploré par ceux qui connaissaient et aimaient ce jeune homme. Ses yeux et sa bouche formaient la principale beauté de son visage ; mais je ne saurais les décrire, par la raison que leur charme principal consistait à être indescriptibles. Les yeux étaient d’une nuance innommée ; la bouche, d’une expression toujours changeante. Parfois, en regardant les yeux, ils paraissaient d’un bleu gris sombre, d’autres fois bruns, et à de certains moments on pouvait les croire noirs. La bouche était en harmonie avec les yeux, en ce sens que tantôt on lisait une expression de mélancolie sur les lèvres minces et flexibles ; l’instant d’après un sourire cynique. Très-peu de gens comprenaient Lansdell, et c’était là peut-être son plus grand charme. Quand lord Dundreary déclare qu’il aime à s’étonner, il exprime seulement une tendance universelle de l’esprit humain. L’étonnement touche à l’intérêt ; être intéressé, c’est être charmé. Oui, la nature capricieuse avait prodigué ses dons à Lansdell. Elle l’avait fait beau, elle avait fait de sa voix une harmonie douce et mélodieuse, et elle l’avait doué d’une intelligence suffisante. En outre, elle lui avait donné la grâce qu’elle seule peut donner. Il était toujours gracieux. Involontairement, et à son insu, il prenait des attitudes harmonieuses. Il ne pouvait se jeter dans un fauteuil, appuyer son coude sur une table, s’accoler sur le chambranle d’une porte, ou s’étendre tout au long sur l’herbe en posant la tête sur son bras replié pour dormir, sans trouver une pose digne d’un peintre. C’était