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LA FEMME DU DOCTEUR.

L’esprit de cette jeune femme était comme un vaste album, tout plein d’incidents romanesques et d’épouvantables catastrophes ; son imagination lui fournissait toujours des événements de ce genre. Brown Molly s’avança lentement sur le chemin sablé, dessiné en hémicycle, — ah ! les magnifiques bosquets, et les bancs de verdure, et les feuillages d’un vert sombre, et les cèdres immenses jetant leur ombre solennelle sur la pelouse, et les échappées sur les étangs, et les ruisseaux lointains ; comme tout cela était beau ! On s’arrêta devant un portail dans le style normand, un portail chenu couvert d’un manteau de lierre, sous lequel s’ouvrait une porte qui laissait voir un vestibule aux murailles tapissées d’armures. Là se dressaient les bustes en marbre blanc des guerriers coiffés du casque à cimier classique, placés sur des piédestaux de marbre noir, et des peaux d’animaux sauvages disséminées sur le parquet en chêne foncé. Isabel avait à peine jeté un coup d’œil sur la sombre splendeur de cet intérieur, qu’un groom accourut d’un angle lointain du château et s’empressa d’emmener le cheval et la voiture de Gilbert. L’instant d’après, Lansdell paraissait sous le portail et souhaitait à ses visiteurs la bienvenue à Mordred.

— Je suis enchanté de vous voir ! Quelle charmante matinée, n’est-ce pas ? Je crains que vous n’ayez trouvé la route poudreuse. Christie, prenez soin du cheval de M. Gilbert, conduisez-le dans un des boxes libres. Vous voyez, madame Gilbert, que mes chiens vous reconnaissent.

En effet, un chien d’arrêt à robe tachée de feu et un chien courant à robe noire témoignaient mille attentions aimables à Isabel.