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LA FEMME DU DOCTEUR

L’éducation de la femme du médecin fit un grand pas, grâce à ce moyen. Elle passait des heures entières à lire dans le petit parloir de Graybridge, et George, dont la vie était très-active, en vint à la regarder comme dans son état normal lorsqu’elle tenait un livre à la main, et à ne s’offenser en aucune façon lorsqu’elle gardait un livre à côté de son assiette pendant les repas, ou qu’elle répondait vaguement à ses simples paroles. Gilbert était très-satisfait. Il n’avait jamais cherché autre chose : une jolie petite femme pour lui sourire lorsqu’il rentrait au logis, pour brosser son chapeau de temps en temps dans le vestibule, après le déjeuner, avant qu’il sortît pour sa tournée professionnelle, et pour se rendre deux fois chaque dimanche à l’église, appuyée sur son bras. Si quelqu’un avait dit qu’un mariage dans ces conditions ne représentait pas une union parfaite et entière, Gilbert eût souri en regardant cette personne comme un fou inoffensif.

Lansdell rencontra très-souvent la femme du médecin ; parfois sur le pont voisin du moulin, parfois dans les prairies qui agitaient leurs vagues d’émeraude autour de Graybridge, de Mordred, et de Warncliffe. Il la rencontra très-souvent. Ce n’était pas chose nouvelle pour Isabel d’errer en tous sens dans ce paradis rustique. Mais il était tout à fait nouveau que Lansdell s’adonnât avec tant de passion à la promenade pédestre. Cette fantaisie ne pouvait pas durer, néanmoins ; l’ouverture de la chasse approchait, et Lansdell allait avoir quelque chose de mieux à faire que de perdre son temps par les champs et les bois, en causant avec la femme du médecin.

La veille même de cette bienheureuse matinée qui