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LA FEMME DU DOCTEUR

n’est pas une figure de convention qui sert de prétexte à des déclamations vulgaires et rebattues, mais au contraire une créature de chair et d’os, de cœur et d’esprit, dont je voudrais pouvoir faire le portrait. Si après tout il ne vous paraît pas vivant, c’est parce que ma plume est impuissante et non parce que cet homme n’a pas réellement vécu et souffert, péché et fait pénitence.

De sa vie, je doute que Lansdell se fût trouvé dans un moment où il désirât davantage agir honnêtement et sincèrement. Son esprit semblait avoir subi une sorte de purification dans la tranquille atmosphère de ces ravissantes prairies du Midland. Il y avait même dans la société d’une femme comme Isabel une sorte d’influence purifiante. Elle était si différente de toutes les femmes qu’il avait connues ; elle ignorait si profondément les règles les plus simples de la sagesse mondaine !…

Lansdell ne partit pas pour Londres. Quand l’antique et pesante voiture de Graybridge parcourut le chemin sinueux et parut sur la colline verdoyante, non loin des portes du château de Waverly, Roland se promenait à l’ombre des murs, tenant à la main un énorme bouquet de fleurs rares. Il était fort gai ; ce jour-là il avait jeté les soucis au vent. Pourquoi ne jouirait-il pas du plaisir innocent d’une promenade rustique avec de braves gens de province et des enfants ? Il tirait un argument de la présence des orphelines. Oui, il s’amuserait ce jour-là ; puis demain… ah ! à propos, demain M. et Mme Gilbert et Sigismund dînaient avec lui. Le surlendemain tout serait fini et il repartirait pour le continent pour reprendre