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LA TRACE

depuis des années ; quelques personnes prétendaient qu’il était à l’étranger ; elle essayait de le croire, mais il lui arrivait souvent de le pleurer comme mort. Elle vivait modestement, avec une vieille servante qui ne l’avait jamais quittée depuis son mariage, et lui avait été fidèle dans le malheur comme dans la prospérité. Il arriva qu’à cette même époque, mistress Marwood (c’était le nom de la propriétaire du Moulin Noir) venait de recevoir la visite d’un frère récemment de retour de l’Inde avec une immense fortune. Ce frère, M. Montague Harding, s’était empressé, aussitôt débarqué, de se rendre auprès de son unique sœur, et l’arrivée du riche nabab à la maison solitaire du chemin de Slopperton avait été une neuvième merveille pour les bons habitants de cette excellente ville. Il n’avait amené avec lui qu’un seul domestique, un Indien. Sa visite devait être de courte durée, car il était sur le point d’acheter une propriété dans le midi de l’Angleterre, pour y venir résider avec la veuve sa sœur.

Slopperton eut beaucoup à dire sur le compte de M. Harding. Cette ville le gratifiait de la possession d’un nombre incalculé et incalculable de roupies, mais elle ne lui accordait pas la possession de la centième partie d’une once de foie. Slopperton avait porté des cartes au Moulin Noir, et avait songé sérieusement à envoyer une députation au-