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DU SERPENT.

— Je l’ai aimé, monsieur, avec quelle passion, quelle folie, quel aveuglement : non, ce n’est pas devant des yeux comme les vôtres que je voudrais étaler les secrets de mon cœur et de mon esprit. Qu’il vous suffise de savoir que je l’aimais ! Mais pour l’homme capable de faire du nom de la femme qui a fait de si grands sacrifices pour l’amour de lui, et sans jamais balancer, un objet de plaisanterie au milieu de ses compagnons de débauche, je n’ai qu’un seul sentiment, le mépris.

— J’admire votre courage, madame, mais encore faut-il vous souvenir qu’il est difficile de faire disparaître aussi facilement la cause de vos chagrins. On ne se débarrasse pas d’un époux aussi aisément, et est-il probable que M. de Lancy soit disposé à rompre un mariage qui, comme spéculation, est si brillant et si avantageux ? Peut-être ignorez-vous que depuis le commencement de ses débuts il a eu le dessein de vendre ses charmes personnels au plus haut enchérisseur ; que depuis deux ans, pardonnez-moi, madame, il est à la piste d’une héritière en possession de plus de fortune que de jugement, qu’il puisse captiver et conquérir par quelques jolies flagorneries extraites des libretti d’opéras de son répertoire. »

L’esprit hautain est courbé jusque dans la poussière. Cette jeune fille, la loyauté même, ne songe pas pour le moment à analyser les mots qui brisent