Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
LES OISEAUX DE PROIE

Elle n’eut pas pour son père arrêté un mot d’attendrissement. Cela était cruel peut-être ; mais ce n’est pas à l’école où Diana avait été élevée que fleurissent les délicates vertus féminines et l’indulgence chrétienne. Elle suivit à la lettre le conseil de Valentin, sans abuser des lamentations sentimentales. En moins d’une heure, elle réunit en un paquet sa mince garde-robe et fit ses préparatifs de départ. À trois heures, elle se retira dans sa petite chambre ; elle s’y reposa quelques instants. À six heures, elle était avec Valentin à la station du chemin de fer, la figure cachée par un voile de gaze brune en attendant le départ.

Ce fut seulement dans le wagon que, pour la première fois, elle parla de son père,

« Croyez-vous que l’on sera bien sévère pour lui ?

— J’espère que non. Nous tâcherons de le faire se tirer de là le mieux possible. Il se peut que l’accusation soit abandonnée au premier examen. Adieu.

— Adieu, Valentin. »

Ils n’eurent que le temps de se serrer la main avant le coup de sifflet de la locomotive. Un instant après Diana et ses compagnons de voyage se dirigeaient à toute vapeur sur Liège.

Haukehurst enfonça son chapeau sur ses yeux en s’éloignant de la station.

« Le monde va me sembler bien vide et bien triste sans elle, se dit-il. Une fois dans ma vie j’aurai fait une chose honorable et désintéressée. Peut-être m’en sera-t-il tenu compte par l’ange qui est spécialement préposé à ma triste personne. Il devrait mettre cette bonne action à mon actif, cela ferait compensation avec quelques-unes de mes sottises ? Qui sait… il le fera peut-être !… »