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LES OISEAUX DE PROIE

« Je prendrais bien un verre d’eau avec une goutte d’eau-de-vie, Valentin. »

Il dit cela de l’air d’un homme qui ne boit pas de grogs ordinairement, bien qu’il en fît une formidable consommation.

« Ce gaillard de Sheldon sait joliment défendre ses intérêts, dit-il d’un ton pensif, au moment où Valentin apportait l’eau-de-vie et une carafe d’eau. Goûtez-le, ce cognac, Valentin, il n’est pas mauvais. Pour vous dire la vérité, je commence à être bien dégoûté du métier d’agent d’affaires. Cela ne rapporte guère plus que l’agence pour le caoutchouc, et c’est un travail beaucoup plus dur. Je chercherai quelque autre chose si Sheldon n’agit mieux avec moi. Et vous, qu’avez-vous fait pendant ces derniers jours ? demanda le capitaine, en dirigeant vers son protégé un regard scrutateur. Vous êtes toujours fourré chez Sheldon et vous ne paraissez pourtant pas faire beaucoup d’affaires avec lui. Vous et son frère George semblez intimement liés.

— Oui, George me va mieux que l’agent de change. Je n’ai jamais pu m’entendre avec ces gaillards ultra-respectables. Je ne suis pas plus délicat en affaires qu’un autre, mais je n’aime pas les gens qui me donnent comme propre ce qui est sale.

— Et il a voulu vous charger de quelque affaire scabreuse, je suppose ? dit le capitaine ; je ne vois pas qu’il y ait de quoi troubler votre conscience. Chez un peuple commercial comme le nôtre, l’argent ne demande qu’à changer de mains. Peu importe la manière dont ce changement s’effectue.

— Non, assurément. C’est une manière commode d’envisager la question en tous les cas. Quoi qu’il en soit, je suis dégoûté du rôle qu’il veut me faire jouer, et je