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LES OISEAUX DE PROIE

de cela ? Trente-sept entrevues et quelques-unes ont été fort rudes. Je pense qu’il y en a assez pour essouffler un homme ?

— Les poissons monnayés mordent-ils ? demanda Haukehurst, avec un affectueux intérêt.

— Tout doucement, mon cher Valentin, tout doucement. L’eau du marché a été bien battue dans ces dernières années et les poissons sont devenus défiants… ils sont incroyablement défiants, Valentin. En vérité, je ne sais plus maintenant de quelles mouches il faut se servir pour les prendre. Je me demande si la belle tenue, le coupé, les gants de chevreau sont l’appât qui convienne le mieux… On en a abusé, Valentin, considérablement abusé, et je ne serais pas surpris qu’une modeste mouche brune… un individu râpé, avec une pauvre redingote et un parapluie sous le bras eût plus de chances. On le prendrait pour un homme riche, vous comprenez, riche, mais excentrique, et même à l’occasion, il ne serait pas bête, je crois, d’aller jusqu’à la demi-once de tabac dans un cornet de papier. Je ne doute pas vraiment qu’une prise de tabac puisée dans un cornet de papier, au bon moment, ne soit capable de décider du sort d’une transaction. »

Sous l’impression de cette brillante idée, le capitaine s’abandonna pour un moment à une profonde méditation, assis dans son fauteuil préféré et les jambes étendues devant le feu. Il avait toujours un fauteuil favori dans chacun des caravansérails que son existence vagabonde lui avait fait habiter, et il avait un admirable instinct pour choisir le meilleur fauteuil et le meilleur coin.

Le jour qui venait de finir n’avait évidemment pas été un beau jour : le capitaine semblait tristement réfléchir.