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LES OISEAUX DE PROIE

CHAPITRE VIII

CHARLOTTE PRÉDIT QU’IL PLEUVRA

Haukehurst n’avait aucune raison pour se rendre à La Pelouse avant son départ ; mais les allées majestueuses des jardins de Kensington appartiennent à tout le monde, et comme il n’avait rien de mieux à faire, Valentin mit un volume de Balzac dans sa poche et passa la dernière matinée qu’il eût à rester en ville sous les ormes ; abrité par leur ombre il lut, tandis que les feuilles d’automne tombaient autour de lui frappant l’herbe en mesure et sur un rhythme cadencé ; elles battaient le sable tandis que les enfants avec leurs cerceaux et leurs balles sautaient et criaient dans l’allée. Son livre ne l’absorbait pas absolument. Il avait pris au hasard dans une collection à bon marché qu’il avait emportée avec lui dans ses courses vagabondes, enfouie et pressée dans le fond d’un porte-manteau au milieu des bottes, des brosses à habits, et des rasoirs de rebut.

« Je suis fatigué de tous ces personnages, se disait-il, des Beauséant, des Rastignac, des juifs allemands, des beautés patriciennes, des Circé israélites de la rue Taitbout, et des anges languissants envoyés par la province tout exprès pour se sacrifier. Je me demande si cet homme a jamais vu une femme semblable à Charlotte, une créature éclatante qui n’est que sourire et rayonnement avec une nature expansive, tendre, un ange qui peut être angélique sans être poitrinaire, dont l’a-