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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/219

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LES OISEAUX DE PROIE

mabilité ne dégénère jamais en phthisie. Dans tous les romans de Balzac domine je ne sais quel parfum d’hôpital. Je ne crois pas qu’il eût été capable de peindre une nature fraîche et bien portante. De combien de maladies n’aurait-il pas affublé Lucie Ahston ou Amy Robsart. Non, mon ami Balzac, vous êtes le plus grand et le plus terrible des peintres ; mais il vient un moment où l’homme aspire après quelque chose de supérieur aux misères de l’humanité.

Haukehurst mit son livre dans sa poche et se livra à ses méditations. Il se penchait en avant ; ses coudes étaient sur ses genoux et son visage enfoui dans ses mains. Il ne voyait ni les cerceaux qui roulaient, ni les enfants qui criaient.

« Elle est meilleure et plus belle que la plus belle héroïne de roman, pensait-il. Elle ressemble à Héloïse. Oui, ce vieux et étrange français lui convient à merveille :

Elle ne fut oscure ne brune
Ains fu clère comme la lune,
Envers qui les autres estoiles
Ressemblent petites chandoiles.

Mme Browning doit avoir connu une telle femme :

Ses cheveux avaient une pensée, ses mouvements une grâce,
Vous vous détourniez de la plus belle pour regarder son visage.

Et pourtant :

Elle n’était pas aussi jolie que des femmes que je connais !

Non, dit l’amoureux, n’était-elle pas aussi belle ? Si ! s’écria-t-il tout à coupon voyant un jupon rouge