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LES OISEAUX DE PROIE

près ce qu’ils voulaient. Il n’était jamais au logis, et Georgy n’avait d’autre distraction, durant les longues et humides soirées de mars, que ses travaux de couture à la lumière du gaz dans le salon de Sheldon, pendant que celui-ci, qui prenait rarement part aux plaisirs de son frère et de ses amis, travaillait en bas, dans son cabinet de torture, à quelque appareil de dentition mécanique.

Fitzgeorge Street, quoique particulièrement enclin à découvrir chez ses voisins les indices d’embarras pécuniaires ou des histoires où la morale fait piteuse figure, ne trouva aucun scandale à signaler à l’occasion de la visite de M. et Mme Halliday à leur compatriote et ami. Le bruit s’était répandu au dehors, grâce à l’éloquence de Mme Woolper, que Sheldon avait autrefois prétendu à la main de la dame et avait été éconduit ; les voisins s’étaient en conséquence mis en campagne, ne demandant qu’à pouvoir découvrir chez le dentiste quelque retour du passé. Il y aurait eu de joyeuses discussions dans les cuisines et arrière-boutiques si Sheldon eût montré des attentions particulières pour sa jolie hôtesse ; mais l’on arriva positivement à savoir, toujours par Nancy et par la servante, ce phénomène de paresse et d’iniquité, que non-seulement Sheldon n’était nullement aux petits soins auprès de la jeune femme, mais qu’il la laissait seule pendant des heures entières, en l’absence de son mari, nez à nez avec ses travaux à l’aiguille, tandis que lui préparait des onguents destinés à réparer les désastres que le temps inflige à la beauté.

La troisième semaine de la visite de M. et Mme Halliday approchait de sa fin et le jeune fermier n’avait encore pris aucune décision, quant aux choses qui l’avaient amené à Londres. La vente de la ferme d’Hiley