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LES OISEAUX DE PROIE

George en s’asseyant près de la table où son frère travaillait à la lumière du gaz.

Éclairé par cette lumière, le visage de Sheldon paraissait pâle, ses traits étaient tirés, ses yeux battus, cernés par l’insomnie. George resta quelque temps à le considérer en silence, puis il tira son porte-cigares :

« Cela ne vous fait rien que je fume ici ? dit-il.

— Rien, absolument. Vous êtes le bien-venu si cela vous amuse de me voir travailler au montage d’une mâchoire inférieure.

— Ah ! cela est une mâchoire inférieure ? J’aurais cru que c’était quelque débris de vieux château. Non, Philippe, je ne tiens pas à suivre votre travail, mais je désire vous parler sérieusement.

— À propos de quoi ?

— À propos de ce pauvre diable qui est là-haut. Pauvre Tom ! lui et moi étions très-bons amis autrefois, vous le savez. Il est en très-mauvais chemin, Philippe.

— Vraiment ! Savez-vous que vous tournez tout à fait au médecin, George ? Je n’aurais jamais cru que vos recherches dans les vieux parchemins et dans les registres des paroisses eussent pu vous initier aux mystères de la science médicale, dit le frère aîné d’un ton moqueur.

— Je ne connais rien à la médecine, mais j’ai assez de jugement pour être certain que Tom est à peu près aussi mal qu’il puisse être. Ce que je ne puis m’expliquer, c’est qu’il ne prenne aucun remède qui puisse le guérir. Il reste là, couché, allant chaque jour de mal en pis, sans qu’aucune médication spéciale lui soit appliquée. C’est une étrange maladie que la sienne, Philippe.

— Je n’y vois absolument rien d’étrange. — Est-ce votre avis ?… Ne pensez-vous pas que les circonstances au moins sont étranges ? Un homme vient