Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arbitraire » (art. 16), et il ajoutait : « Seront tenuz lesdicts correcteurs de bien et songneusement corriger les livres… et en tout faire leur debvoir. » — En août 1686, Louis XIV renouvelait dans les mêmes termes les prescriptions de son prédécesseur[1]. — Le 19 juin 1731, un avertissement royal autorisait bien les imprimeurs à être eux-mêmes les correcteurs de leurs éditions, mais cette autorisation était accordée sous la condition expresse que ces imprimeurs répondraient des fautes trop considérables qui se rencontreraient dans leurs livres ; elle n’apportait dès lors aucune modification aux prescriptions royales concernant les correcteurs.

De quelle nature était donc ce « debvoir » dont les rois avaient tant souci qu’ils en rappelaient aux intéressés les obligations impérieuses ?

À défaut de renseignements précis que nous connaissions de l’époque du « Père des lettres », nous ne saurions, pensons-nous, en donner une meilleure définition que celle qui va suivre, et que nous extrayons d’une lettre adressée, en juillet 1868, à l’Académie française, par la Société des Correcteurs des Imprimeries de Paris[2] :

« Reproduire fidèlement le manuscrit de l’écrivain souvent défiguré dans le premier travail de la composition typographique ; ramener à l’orthographe de l’Académie la manière d’écrire particulière à chaque auteur ; donner de la clarté au discours par l’emploi d’une ponctuation sobre et logique ; rectifier des faits erronés, des dates inexactes, des citations fautives ; veiller à l’observation scrupuleuse des règles de l’art ; se livrer pendant de longues heures à la double opération de la lecture par l’esprit et de la lecture par le regard sur les sujets les plus divers et toujours sur un sujet nouveau, où chaque mot peut cacher un piège, parce que l’auteur, emporté par sa pensée, a lu, non pas ce qui est imprimé, mais ce qui aurait dû l’être : telles sont les principales attributions d’une profession que les écrivains

  1. Édit donné à Versailles, en août 1686 : « Art. 46 : Les maîtres imprimeurs qui ne pourront eux-mêmes vaquer à la correction de leurs ouvrages seront tenus de se servir de correcteurs capables, et seront lesdits correcteurs tenus de bien et soigneusement corriger les livres… »
  2. Grand Dictionnaire universel du xixe siècle de Pierre Larousse, t. V, art. Correcteur, p. 181 (1869). — La Grande Encyclopédie Ladmirault reproduit également cette citation.