Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/252

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« Un texte doit toujours être ponctué clairement, avec mesure… La ponctuation raisonnée, vraie, est difficile à acquérir » ; il y faut une certaine valeur, beaucoup d’intelligence ; il y faut aussi de la mesure et du poids : un énervé, un sanguin s’emporte au delà ; un flegmatique reste en deçà ; l’homme sage, prenant la moyenne, atteint le but (stat in medio virtus).

L’usage, qui a force de loi, veut que le compositeur corrige la ponctuation marquée sur les épreuves en premières par le correcteur, même lorsque ces corrections ont pour cause une copie mal établie.

On dit, il est vrai : « Comme il appartient à l’auteur de confectionner son texte, d’agencer ses phrases et de ponctuer, les fautes qui lui auraient échappé ne sauraient, strictement, retomber sur le compositeur. » L’observation peut paraître vraisemblable. Il est nécessaire néanmoins de faire observer que « le compositeur ne doit pas être un aveugle imitateur du bon et du mauvais ; l’intelligence qu’on lui suppose doit laisser le champ libre à son initiative » ; d’autre part, il doit savoir l’orthographe usuelle et connaître quelque peu sa langue. Il n’est pas un typographe, « chaque fois que des fautes d’orthographe ou de syntaxe déparent le manuscrit, qui hésite à les corriger en composant ». Et ce ne sont point seulement les fautes d’orthographe, de syntaxe qui rendent une composition inintelligible, mais également les erreurs ou l’absence de ponctuation. Ne peut-on dès lors estimer qu’il est aussi du devoir du compositeur de rectifier la ponctuation dans le cas où elle est évidemment défectueuse.

On objecte parfois que dans bien des cas « le compositeur n’est pas d’accord avec le correcteur : celui-ci pouvant mettre des : ou des ; où le typographe aura mis des . et des , ». Un deux-points eut-il jamais la même fonction qu’un point ; une virgule pourra-t-elle quelquefois suppléer un point et virgule ? De bonne foi, trop souvent la question n’a point une telle importance : un auteur, quel qu’il soit, commet rarement cette erreur de confondre une virgule et un point et virgule, non plus qu’un point et un deux-points. Pourquoi aussi ne pas supposer possible le désaccord dans l’emploi contradictoire d’un point d’interrogation et d’un point d’exclamation, alors que, tout le monde le sait, l’enjeu n’est le plus souvent qu’une modeste virgule ?