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II. — Le correcteur.


Il est dès lors indispensable que du premier coup cette lecture soit irréprochable, parfaite même.

Certains lecteurs sont en effet d’une susceptibilité poussée à l’extrême : un point omis, une virgule employée à contresens étonnent ; une coquille émeut ; un bourdon, même d’un seul mot, agace ; un doublon, surtout celui d’une ligne, fait de pitié lever les épaules ; une transposition minime d’un article à l’autre irrite, et l’imprimeur en « prend pour son grade ».

De nos jours, le journal, organe d’informations rapides, parfois à grand fracas, prétend devancer la vapeur et l’électricité. La lecture ne s’en fait plus guère, le soir, au salon, au fumoir ou à la table familiale, à voix haute, aux oreilles attentives d’un groupe de parents ou d’amis ; c’est dans la rue, au cours du repas, dans un coin de la vaste usine ou derrière les cartons du bureau que l’artisan, l’employé, le bourgeois même dévorent des yeux le journal dont ils n’ont ni le loisir ni la volonté de lire les longues colonnes. Pendant les voyages même, le quotidien n’est plus qu’un délassement, une occupation qui repose les yeux de la vue du paysage et distrait l’esprit des inquiétudes de la route. Et c’est alors que l’on ne saurait, sous peine de redoutables imprécations, troubler la quiétude ou les pénibles méditations du lecteur par quelque malencontreuse gaffe typographique ou autre.

Si la composition doit être irréprochable, l’érudition, elle aussi, doit être impeccable. Pour les dates, pour les noms propres, pour les événements politiques, pour les faits religieux ou autres, pour chaque chose enfin, il faut au correcteur une mémoire infatigable et impeccable. Le lecteur s’étonne à bon droit de fantaisies littéraires ou scientifiques qu’il tolère seulement parce qu’il lui est « impossible de les expliquer raisonnablement ».

Un correcteur de journal qui ne peut pas rétablir une ou plusieurs lettres dans un mot tronqué ou falsifié n’est pas à la hauteur de son