Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

où Charles Estienne[1] le médecin veillait à ses mises en pages chez son illustre frère l’imprimeur[2] ; à cette même date, Érasme[3], à Paris d’abord, puis à Bâle chez Fröben, assumait la correction de ses travaux ; Turnèbe[4] était alors correcteur chez Conrad Néobar, imprimeur du roi pour la langue grecque, et Guillaume Morel[5] se préparait à lui succéder avant de devenir lui-même imprimeur du roi ; quelques années plus tard, un des membres de la célèbre famille des Morel nommé Frédéric[6] recevait le titre envié d’imprimeur du roi « pour l’hébreu, le grec, le latin et le français ».

Formé à l’école de tels grammairiens, d’humanistes si réputés, ses collègues et ses initiateurs, le correcteur était entouré d’une considération certaine : il fut alors, il n’est pas téméraire de l’affirmer, un personnage tenant à la fois de l’érudit par ses origines et du typographe par ses fonctions. Placé comme un guide indispensable et précieux à la limite de deux voies qui se côtoient mutuellement sans se confondre jamais, l’art et la science, il tempérait les ardeurs et l’impatience de l’un par la sagesse pondérée et réfléchie de l’autre. On reconnaissait sa supériorité intellectuelle, comme l’étendue et la sûreté de ses connaissances techniques. Aussi ne se lasse-t-on pas d’admirer les ouvrages si purs, si corrects, exécutés avec tant de soins, sortis alors des mains des artistes qui avaient charge de la direction littéraire des imprimeries.

Tous, d’ailleurs, maîtres, protes, correcteurs et compagnons, ont, aux temps qui nous occupent, non moins souci que les auteurs ou les libraires de la pureté et de l’exactitude des textes. Un exemple illustrera utilement cette opinion : « Pour assurer la pureté de leurs textes, les frères Frellon (Frellon Jean II et Frellon François), qui furent libraires, puis imprimeurs à Lyon vers 1536-1568, s’entourèrent

  1. Charles Estienne (1501-1564) devint à son tour imprimeur en 1551. Il mourut au Châtelet où ses créanciers l’avaient fait enfermer.
  2. Robert Estienne, né en 1503, mort à Genève le 7 septembre 1559 (voir p. 46).
  3. Voir p. 80.
  4. Voir p. 50.
  5. Voir p. 51.
  6. Frédéric Ier Morel, d’une famille étrangère au précédent, né en 1523, en Champagne, épousa en 1559 une fille de Vascosan et s’établit imprimeur rue Saint-Jean-de-Beauvais, à l’enseigne du Franc-Meurier. Il fut nommé en 1571 premier imprimeur du roi. Lorsqu’il décéda en 1583, son fils Frédéric II lui succéda.