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APPENDICE. — N° II.

« recevoir de l’or ou de l’argent[1]. » Il est aisé de reconnaître parmi ces commandements un certain nombre de règles qui s’adressent spécialement aux novices, c’est-à-dire à ceux qui veulent devenir Religieux ; ce sont par exemple |a défense de prendre son repas hors de l’heure marquée, l’usage des parfums et d’un lit élevé, injonctions qui ne peuvent s’appliquer à des laïques, et être strictement obligatoires pour eux. Mais il ne faut pas oublier que dans les premiers temps du Buddhisme, le principal objet de l’enseignement était de faire des Religieux, et qu’alors les règles de la morale applicable à tous les hommes se confondaient avec les prescriptions spéciales de la discipline religieuse.

C’est encore aux novices que se rapportent dix autres fautes dont l’effet serait de leur faire perdre leur rang (nâsêtum̃, dit le texte), et dont l’énumération, d’après le passage du Pâṭimôkkha qui nous les donne, remonterait jusqu’à l’enseignement même de Çâkyamuni. Plusieurs de ces fautes, notamment les premières, sont les mêmes que celles que je viens de rapporter sous le titre de vêramaṇî, titre qui, selon l’Abhidhâna ppadîpikâ, exprime le sentiment d’aversion qu’on doit éprouver pour de tels péchés[2]. Je crois inutile de reproduire les énoncés pâlis de celles de ces fautes que nous connaissons déjà. Ce sont 1o le meurtre ; 2o le vol ; 3o la violation du vœu de chasteté ; 4o le mensonge ; 5o l’usage des boissons enivrantes ; 6o Buddhassa avaṇṇam̃ bhâsati, « celui qui dit du mal du Buddha ; » 7o Dhammassa avaṇṇam bhâsati, « celui qui dit du mal de la Loi ; » 8o Sam̃ghassa avaṇṇam Bhâsati, « celui qui dit du mal de l’Assemblée ; » 9o l’hérétique ; 10o Bhikkhuṇidûsaka, « celui qui viole une religieuse[3]. » Quoique placés après les dix vêramaṇîs, dans le texte du Pâtimôkkha, ces péchés n’en sont pas moins beaucoup plus graves que les précédents, puisqu’on les nomme Dasa nâsanag̃gâni, « les dix éléments de destruction, » ce qui en fait à peu près pour les Buddhistes ce que sont pour nous les péchés mortels.

Cette distinction des dix grands péchés et des péchés inférieurs se trouve parfaitement observée dans une note du colonel H. Burney, relative à une pièce émanée des rapports de l’empire barman avec celui de la Chine, à la fin du dernier siècle[4]. Sauf quelques différences dans les termes, et la substitution de l’adultère à la violation du vœu de chasteté, les dix grands péchés de la note de Burney sont exactement les dix nâsanag̃gâni du Pâṭimôkkha. Quant aux péchés inférieurs de cette même note, ils répètent une partie des vêramaṇîs, mais on y voit vers la fin des différences qui en rendent la reproduction nécessaire ici. Ces fautes inférieures sont : 1o manger après que le soleil a passé midi ; 2o écouter ou voir de la musique, des chants, des danses ; 3o se parer ou faire usage de parfums ; 4o s’asseoir à une place plus élevée ou plus honorable que celle qu’occupe son précepteur spirituel ; 5o avoir du plaisir à toucher de l’or ou de l’argent ; 6o empêcher par cupidité d’autres Religieux de recevoir des dons charitables ; 7o chercher à rendre d’autres Religieux mécontents de façon à les empêcher de rester dans le monastère ; 8o empêcher

  1. Pâṭimôkkha, f. 61 b et suiv. du man. de la Bibl. nat. et p. 585 de ma copie.
  2. Abhidhâna ppadîpikâ, l. I, chap. II, sect. 5, st. 16 ; Clough, p. 19.
  3. Pâṭimôkkha, f. 62 b et suiv. et p. 593 de ma copie.
  4. H. Burney, Some Account of the war between Burmah and China, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VI, 1re partie, p. 439.