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APPENDICE. — No II.

ḅhadda[1] et que la célèbre inscription barmane de Buddha gayâ, où il a le nom d’Udaya bhadda[2]. Il nous est maintenant possible de faire remonter le témoignage des chroniques singhalaises beaucoup plus haut que l’époque de Mahânâma qui a compilé son Mahâvam̃sa d’après ces chroniques mêmes, puisque les Suttas du Dîgha nikâya appartiennent sans aucun doute aux plus anciens matériaux qu’il ait eus à sa disposition. C’est donc un point désormais établi, que les Buddhistes du Sud donnent Udâyi bhadda pour fils et pour successeur d’Adjâtasattu. Le vœu que notre Sutta met dans la bouche du roi, au moment où il admire le calme profond qui règne au sein de l’Assemblée, donne à croire que le prince Udâyi bhadda n’était pas toujours maître de ses passions ; autrement son père ne lui aurait pas souhaité le calme (upasama) qu’il voit régner parmi les Religieux réunis autour du Buddha. Il est curieux de remarquer quels soupçons ces paroles du roi inspirent à Çâkyamuni : connaissant la violence d’Adjâtasattu, le Religieux lui demande s’il est venu avec des pensées de bienveillance ; à quoi Adjâtasattu répond que le prince royal n’a pas cessé de lui être cher. On sait qu’Udâyi bhadda, se conformant moins au langage de son père qu’à ses exemples, devint à son tour parricide comme lui.

Un autre point sur lequel je désire appeler l’attention du lecteur, c’est la détermination précise de l’accord qui paraît exister entre les Buddhistes de Ceylan et ceux du Népâl, relativement au rang de ce prince dans la liste des successeurs d’Adjâtasattu et à la forme véritable de son nom. J’ai donné ailleurs une liste des successeurs de ce monarque d’après l’Açôka avadâna, et j’ai constaté que le manuscrit auquel je l’empruntais nous fournissait pour le nom de ce prince deux variantes que, par une singulière inattention, le copiste n’avait pas hésité à placer l’une auprès de l’autre pour désigner le même personnage : la première est Udjâyin, la seconde Udayi bhadra[3]. M’autorisant du témoignage du Mahâvam̃sa, j’ai condamné sans hésitation la première variante, pour m’en tenir à celle qui se rapproche le plus de l’orthographe pâlie, Udâyi bhadda. Mais aujourd’hui que les recherches que j’ai entreprises sur les livres des Buddhistes du Sud m’ont familiarisé davantage avec diverses particularités du dialecte dans lequel ces livres sont écrits, j’ai entrevu la possibilité de concilier les deux leçons Udjâyin et Udâyi bhadda, et d’établir, au moins par conjecture, l’unité de ces deux témoignages assez différents en apparence, celui des Buddhistes du Népâl et celui des Buddhistes de Ceylan.

On remarquera d’abord que l’adjectif bhadda, en sanscrit bhadra, peut être laissé de côté sans inconvénient ; c’est une épithète qui est ici ajoutée au nom propre, et qui peut manquer sans que le nom en soit altéré : ainsi, dans les livres du Nord, on rencontre aussi souvent Râhula que Râhula bhadra. L’usage le plus répandu chez les Buddhistes, comme chez les Brâhmanes, est cependant de désigner les personnages qu’on respecte par deux noms, d’abord par celui qu’ils ont reçu au moment de leur naissance, ensuite par un nom patronymique où par une épithète. Un commentateur Buddhiste d’une grande autorité, celui de l’Abhidharma kôça, parlant de l’épithète de Bhagavat qu’on ajoute au titre

  1. Turnour, Mahâwanso, t. I, chap. iv, p. 15.
  2. H. Burney, Translat. of an Inscript. in the Burm. language, dans Asiat. Res. t. XX, p. 170 ; Burmese chronolog. table, dans Crawfurd, Journ. of an Embassy to Ava, Append. p. 31 ; Lassen, Ind. Alterth. t. II, p. 63.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 358