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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

de Buddha, pour désigner « le Buddha bienheureux, » s’exprime ainsi : « On emploie ce second titre de Bhagavat pour empêcher qu’on ne conçoive aucune idée irrespectueuse ; car, dans le monde, l’absence de respect se marque par l’emploi d’un nom propre non suivi d’un terme subordonné (anupapada), comme quand on dit simplement Dêvadattâ[1]. »

Maintenant, le nom qui nous reste après la suppression de Bhadra, a les orthographes suivantes, chez les Buddhistes du Sud, Udâyi et Udaya, chez les Buddhistes du Nord, Udayin et Udjâyin. De ces diverses orthographes, Udaya est, actuellement du moins, la plus rare ; je ne la trouve que dans l’inscription barmane de Buddha gayâ, et dans la copie que je possède du commentaire de Mahânâma sur le Mahâvam̃sa[2]. Elle donne cependant pour le nom du fils d’Adjâtasattu, les sens de « lever, splendeur, prospérité, » sens qui conviennent très-bien au fils d’un monarque aussi puissant qu’était le roi du Magadha. J’ajoute que la réunion des deux mots Udaya bhadra, soit qu’on les traduise par « heureux « par sa fortune, » soit qu’en les rapprochant en un composé possessif, on y voie le sens de « celui qui a le bonheur de la prospérité, » rappelle d’une manière bien frappante le nom de Çribhadrâ, grand’mère de ce prince, nom qui peut se traduire « fortunée par Çrî, » ou « celle qui a le bonheur de Çrî. » Le nom de la grand’mère et celui du petit-fils sont donc dans une relation apparente, et l’on comprend que le roi Adjâtaçatru ait désigné son fils d’après le nom de celle des femmes de Bimbisâra dont il était le fils lui-même, plutôt que d’après le nom de ce prince qu’il respectait assez peu, pour attenter plus tard à ses jours. J’ajoute que comme le nom d’Udaya bhadra se présente trois fois sur quatre avec la désinence i qui n’est que le reste du suffixe in, on pourrait lire Udayi pour Udayin, épithète à laquelle Wilson attribue justement la signification de florissant, prospère ; mais peut-être alors devrait-on supprimer Bhadra.

Nous pourrions nous arrêter ici et tenir pour authentique le nom d’Udaya bhadra ou d’Udayi bhadra, tout en remarquant que, dans des textes plus corrects que ceux du Népâl, il faudrait donner séparément à Udayi et à bhadra leurs diverses désinences, ce qui formerait un nom propre moins régulier qu’Udaya bhadra ; mais il nous reste encore à examiner, d’abord l’orthographe constante des Singhalais, qui donnent un â long à ce mot Udâyi, et de plus l’orthographe de l’Açôka avadâna, qui lit Udjâyin. En admettant que ces deux dernières leçons doivent exprimer le même sens que celles à Udaya et Udayin, on est naturellement conduit à cette supposition, que l’Udjâyin du Nord est le prâkritisme d’un primitif Udyâyin, épithète qui serait sans doute moins commune que celle d’Udayin, mais qui peut être également authentique. J’ajoute que l’orthographe d’Udjâyin avec un seul dj au lieu de deux, si elle ne vient pas du fait des copistes, peut tenir à quelque particularité de dialecte, comme quand on voit, dans les inscriptions de Piyadasi, une double consonne céder la place à une consonne simple.

Que ferons-nous maintenant de la leçon Udâyi que nous voyons répétée fréquemment dans les textes pâlis ? — Une altération du prâkrit Udjâyin, analogue à celle qui a transformé en Pasênadi le Prasênadjit, roi du Kôçala, des Buddhistes du Nord ; car l’orthographe de Pasênadi est beaucoup plus commune dans les Suttas du Dîgha nikâya que

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 2 b de mon manuscrit.
  2. Mahâvam̃sa ṭikâ, f. 54 b.