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APPENDICE. — No V.

terme, les déclarations ou l’enseignement du Tathâgata ou du grand Samaṇa, ce qui répond à magga, la voie ou le moyen d’arriver à l’anéantissement.

Il restait à examiner une dernière question, qui pour ne toucher qu’à la forme la plus extérieure, n’en intéresse cependant pas moins l’origine et l’histoire de cette formule si populaire. Il s’agissait d’examiner s’il était possible de déterminer, d’après le mètre de cette stance, laquelle était la forme originale de la rédaction sanscrite ou de la rédaction pâlie. Un savant à la sagacité duquel rien n’échappe, M. Lassen, s’est chargé de ce soin, et il a prouvé que sauf deux points encore douteux, la version pâlie se laissait ramener au mètre âryâ, tandis que la rédaction sanscrite en reste beaucoup plus éloignée, le premier hémistiche n’appartenant à aucun mètre, pas plus à l’âryâ qu’à un autre[1]. Il a remarqué que si la syllabe radicale de hêtu, la première fois qu’elle se présente dans le premier hémistiche pâli, pouvait devenir brève, ainsi que tu devant pabhavâ pour ppabhavâ, et si dans le second hémistiche on pouvait lire vâdî au lieu de vâdi, la stance rapportée par Ratnapâla appartiendrait au mètre âryâ. Cette remarque est parfaitement fondée, si l’on apporte à la leçon de Ratnapâla de légères corrections, qui ne font à mes yeux l’objet d’aucun doute ; ainsi il faut lire à la fin du premier hémistiche âhâ, avec un allongement de la voyelle finale analogue à celui que nous remarquons si fréquemment dans le dialecte des inscriptions de Piyadasi. Dans le second hémistiche il est également indispensable de remplacer nirôdha par nirôdhô au nominatif, et mahâsamaṇa par mahâsamaṇô au même cas. Quant aux corrections plus fortes qui portent sur le mètre, savoir, hêtuppabhavâ, qui doit donner ˘ ˘ | ˘ ˘ ˉ, et êvam̃vâdi, qui doit donner ˉ ˉ | ˉ ˉ, elles me semblent parfaitement légitimes. La première me paraît autorisée par l’état flottant de la quantité des voyelles en pâli, où l’ê s’abrège devant une consonne double. Quant au fait que le mot pabhavâ aurait représenté le sanscrit prabhavâ et le pâli ppabhavâ, il offre encore moins de difficulté, si l’on croit la stance rédigée antérieurement à la régularisation systématique de l’orthographe du pâli, et conçue dans l’esprit de l’orthographe du dialecte mâgadhî. En pâli même ne voyons-nous pas encore des groupes de consonnes doubles, dans vimôkkha et sêkkha, par exemple, perdre un de leurs éléments, d’après une habitude propre au dialecte du Magadha ? Je serai encore plus affirmatif en ce qui regarde la lecture de vâdî pour vâdi que donne la leçon de Ratnapâla. Ce mot est selon moi composé avec êvam̃, de cette manière, êvam̃vâdî, « celui qui parle ainsi. » Cette forme, qui consiste à employer un composé adjectif à la place d’un verbe, est peut-être peu classique, mais on pourrait la justifier par les licences d’un dialecte populaire.

Passons maintenant à la rédaction sanscrite de la formule. Les corrections que nous nous permettons de faire à la stance pâlie, ne sont plus ici de mise. Le second hémistiche seul rappelle bien le second vers d’un âryâ ; cependant il faudrait lire nirôdhô devant êvam̃, ce qui ne serait plus conforme à l’orthographe sanscrite. Encore faudrait-il faire une correction plus considérable, qui consisterait à reporter hyavadat à la fin du premier hémistiche, au lieu de le mettre en tête du second, comme le font les copistes du Népâl, du moins dans les manuscrits que j’ai sous les yeux. On voit cependant que la rédaction sanscrite

  1. Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, t. I, p. 229.