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APPENDICE. — No VI

ment même, ô Ânanda, il n’éprouve ni une sensation agréable, ni une sensation désagréable ; il n’éprouve en ce moment qu’une sensation qui n’est ni agréable ni désagréable. Or la sensation agréable elle-même, ô Ânanda, est dite passagère, née d’une cause, sujette à périr, sujette à passer, ayant pour condition le détachement, pour condition l’anéantissement. La sensation désagréable elle-même, ô Ânanda, a les mêmes caractères. La sensation qui n’est ni agréable ni désagréable, ô Ânanda, a les mêmes caractères. Si, quand l’homme éprouve une sensation agréable, il dit ; Cela est ma personne même, alors il doit dire : Ma personne périt par l’anéantissement de cette sensation agréable même. Si, quand il éprouve une sensation désagréable, il dit : Cela est ma personne même, alors il doit dire : Ma personne périt par l’anéantissement de cette sensation désagréable même. Si, quand il éprouve une sensation qui n’est ni agréable ni désagréable, il dit : Cela est ma personne même, alors il doit dire : Ma personne périt par l’anéantissement de cette sensation qui n’est ni agréable ni désagréable. C’est ainsi que se considérant lui-même, il se reconnaît même en ce monde comme passager, comme étant du plaisir, de la douleur, ou du mélange de l’un et de l’autre, comme sujet à naître et à périr.

« Quant à celui qui a dit : La sensation est ma personne même, je viens de donner la raison pour laquelle il ne convient pas en ce monde de penser avec lui : La sensation est ma personne même.

« Quant à celui qui a dit : La sensation n’est pas ma personne même, ma personne est inaccessible à la sensation, voici comment il faudra lui parler : Là où il n’existerait, ami, aucune impression sensible, dirais-tu alors : Je suis ? — Certainement non, seigneur. — Voilà pourquoi, ô Ânanda, il ne convient pas en ce monde de penser avec lui : La sensation n’est pas ma personne même, ma personne est inaccessible à la sensation.

« Quant à celui qui a dit : La sensation n’est pas ma personne même, mais il n’est pas vrai que ma personne soit inaccessible à la sensation ; c’est ma personne qui éprouve la sensation, car la condition de ma personne est d’être sensible, voici comment il faudra lui parler : Si les sensations, ami, venaient à être anéanties entièrement, complètement, absolument, tout à fait, sans laisser de trace après elles, la sensation n’existant absolument pas, alors, par suite de l’anéantissement de la sensation, est-ce que tu dirais : Je suis ? — Certainement non, seigneur. — Voilà pourquoi, ô Ânanda, il ne convient pas en ce monde de penser avec lui : La sensation n’est pas ma personne même, mais il n’est pas vrai que ma personne soit inaccessible à la sensation ; c’est ma personne qui éprouve la sensation, car la condition de ma personne est d’être sensible.

« Et parce que le Religieux, ô Ânanda, ne se reconnaît pas lui-même dans la sensation, qu’il ne pense pas, Ma personne est inaccessible à la sensation ; qu’il ne pense pas davantage, C’est ma personne qui éprouve la sensation, car la condition de ma personne est d’être sensible, en un mot parce qu’il n’adopte aucune de ces vues, il ne reçoit absolument rien dans ce monde ; ne recevant rien, il n’éprouve pas de crainte ; n’éprouvant pas de crainte, il finit à son terme par entrer dans le Nibbâna complet ; il sait ceci : La naissance est anéantie ; les devoirs de la vie religieuse sont remplis ; ce qui devrait être fait est fait ; il n’y a plus lieu à revenir en cet état.