Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/585

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
544
APPENDICE. — No VII.

il s’y arrête ; voilà le huitième affranchissement [f. 81 a]. Ce sont là, ô Ânanda, les huit affranchissements. Le Religieux, ô Ânanda, obtient ces affranchissements en suivant l’ordre direct ; il les obtient en suivant l’ordre inverse ; il les obtient en suivant l’ordre direct et l’ordre inverse à la fois. Les ayant obtenus comme il le désire et autant qu’il le désire, il est indépendant. Puis, par l’anéantissement des corruptions du vice, ayant reconnu par lui-même, ayant vu face à face, ayant atteint, dès ce monde même, l’affranchissement de la pensée et l’affranchissement de la sagesse qui sont également exempts de vice, il est appelé, ô Ânanda, le Religieux affranchi des deux côtés. Et il n’existe pas, ô Ânanda, un autre affranchissement des deux côtés qui soit ou plus élevé, ou plus éminent que celui-là.

« Voilà ce que dit Bhagavat ; transporté de joie, le respectable Ânanda approuva ce que Bhagavat avait dit. »

J’aurai occasion de revenir plus bas sur les diverses régions et sur les huit places de l’intelligence dont il est donné une énumération à la fin de ce Sutta.

No VII.
SUR LES SIX PERFECTIONS.
(Ci-dessus, chap. i, f. 11 a, p. 332.)

Je me propose d’examiner ici ce qu’on entend par les six perfections, et quels sont ces attributs dont le texte du Lotus de la bonne loi accorde la jouissance à certains êtres privilégiés, ainsi que nous l’avons vu plus haut[1]. Le mot que je traduis peut-être imparfaitement par perfection est pâramitâ ; on le rendrait d’une manière plus conforme à sa signification générale, par « vertu transcendante, » ainsi que l’ont déjà proposé Wilson et Csoma de Cörös[2]. J’ai montré ailleurs que ce terme se présentait comme le féminin d’un participe, pâramitâ, « celui qui est parvenu à l’autre rive ; » et j’ai proposé de sous-entendre un substantif comme buddhi, « l’intelligence, » de façon que la plus haute et dernière perfection pradjñâ pâramitâ signifierait, « l’intelligence arrivée à la perfection de la sagesse[3]. » J’ai vainement essayé de concilier la forme de ce mot avec les règles de la grammaire sanscrite ; mais aujourd’hui je suis moins frappé de la nécessité de cette conciliation, et je suis bien près d’admettre que le terme de pâramitâ a pu être formé d’une manière populaire, et sans égard pour les lois de la langue classique, au moyen de pâram, « à l’autre rive, » et itâ, « l’action d’être allé. »

Ce qui donne quelque vraisemblance à cette opinion, c’est que le second des mots par lesquels les Buddhistes du Sud désignent les vertus transcendantes n’est pas plus régulièrement formé, ni plus grammaticalement explicable que celui qui nous occupe. On peut voir, en effet, en parcourant le Mahâwansô de Turnour, que les Buddhistes du Sud em-

  1. Ci-dessus, chap. I, f. 11 b, et la note, p. 332.
  2. Wilson, Analysis of the Kah-gyur, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. I, p. 375 ; Csoma, Analysis of the Sher-Chin, dans Asiat. Res. t. XX, p. 393 et suiv.
  3. Intr. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 463, et note 2.