Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/134

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chimériques, au conflit des passions idéales avec des événements imaginaires ; elle s’y complaisait délicieusement. Mais on se tromperait fort en croyant qu’elle observât médiocrement la vie réelle et qu’elle ne s’en inspirât que rarement. Que de preuves nous pourrions donner du contraire ! Dira-t-on qu’elle n’est pas, en même temps qu’une merveilleuse artiste d’inventions superbes, une psychologue pénétrante dans presque toutes ses œuvres, dans certaines parties au moins ? Au moment où elle écrivait ses premiers romans, à l’aurore de sa vie littéraire, que d’observations fines et variées elle déploie déjà, quelle expérience de la vie réelle, profondément sentie, se révèle, bien que moins en dehors que chez Balzac, moins étalée en surface, mais bien délicate et d’un ton si juste, jusqu’au moment où la chimère s’empare de l’auteur et l’emporte avec le lecteur au ciel ou aux abîmes.

Vous rappelez-vous, au hasard des premières œuvres, l’intérieur glacial de ce petit castel de la Brie ? Comme cela est bien vu, finement observé ! Comme toutes ces attitudes diverses ont été notées dans un souvenir exact ! Comme tous ces détails d’intérieur sont rendus ! Comme on sent peser lourdement sur chacun des acteurs le poids d’une soirée d’automne pluvieuse qui a suivi une journée plus monotone encore ! Ce vieux salon, meublé dans le goût Louis XV, que le colonel Delmare arpente avec la gravité saccadée de sa mauvaise humeur, cette jeune créole, toute fluette, toute pâle, Indiana,