Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/168

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la jeune merlette ; je veux que mes noces soient magnifiques et que tout ce qu’il y a en France de merles un peu bien nés y soient solennellement rassemblés. » Le mariage se fait, malgré tout, à l’anglaise, mais avec un grand concours d’artistes emplumés, et l’on part pour la Suisse, Venise ou autres lieux. « J’ignorais alors que ma bien-aimée fût une femme de plume ; elle me l’avoua au bout de quelque temps ; elle alla même jusqu’à me montrer le manuscrit d’un roman où elle avait imité à la fois Walter Scott et Scarron. Je laisse à penser le plaisir que me causa une si aimable surprise… Dès cet instant nous travaillâmes ensemble. Tandis que je composais mes poèmes, elle barbouillait des rames de papier. Je lui récitais mes vers à haute voix, et cela ne la gênait nullement pour écrire pendant ce temps-là… Il ne lui arrivait jamais de rayer une ligne ni de faire un plan avant de se mettre à l’œuvre. C’était le type de la merlette lettrée. » Bien des traits sont justes dans cette esquisse ; un seul détonne avec la physionomie de la romancière. À aucune époque sa plume, libre dans le domaine des idées, ne s’abaissa à la caricature ni à la parodie. Nous comprenons que la merlette lettrée ait rappelé à son ami Walter Scott et ses larges et puissants récits ; mais nous sommes stupéfaits quand nous voyons le satirique injuste joindre à ce nom celui de Scarron. Même dans ses plus grandes hardiesses de pensée, Lélia resta Lélia, et jamais une équivoque ni une plaisanterie cynique n’alourdit ou