Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
PROPOS JAPONAIS

de chaque côté, il y avait encore un petit autel pareillement orné, et chargé de sacs de riz.

La prière des bonzes se continuait donc, saccadée et tapageuse : pas une pause, pas un arrêt, pas un répit pour souffler. De temps en temps, le bonze, qui marquait le son du tambour, armait sa main gauche d’un énorme bâton et en donnait un coup sur une cloche placée en face de lui, cloche ayant la forme d’une grosse marmite. Trois ou quatre fois aussi, durant cette prière interminable, l’officiant descendit solennellement de sa tribune, portant son livre de prière et son éventail sur un riche plateau orné de glands, dont la longueur atteignait les genoux, et se rendait devant l’autel provisoire. Là, il se prosternait devant les idoles et lisait seul une prière, un oremus, probablement. Puis tous les bonzes se levaient et faisaient ensemble des prostrations. Alors deux grosses caisses placées de chaque côté des lignes des bonzes commençaient un vacarme incroyable, auquel venait encore se mêler le son métallique de grandes cymbales tenues par deux bonzes.

Quant aux assistants, dont le nombre ne dépassait guère deux cents et dont la majorité ne comptait que des personnes âgées, — à part les brus qui, au Japon, doivent accompagner leurs belles-mères, — ils n’avaient été jusque-là que des spectateurs béats et des auditeurs plus ou moins attentifs. D’ailleurs, dans les temples païens, on se met tout aussi à son aise que si l’on était chez soi. On cause, on rit, on fume, on mange, sans se gêner le moins du monde ; les enfants s’y amusent, courent de-ci de-là, sautent, gambadent, se postent dans les fenêtres pour regarder à l’extérieur, rient aux éclats, crient, pleurent, se chamaillent, font grand tapage ; et