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PROPOS JAPONAIS

Ces cerisiers sont tout différents des cerisiers canadiens. Ils deviennent beaucoup plus grands et sont toujours mieux ramifiés. Et quelle floraison ! Il y en a qui portent des fleurs roses, d’autres des fleurs blanches ; certains même, des fleurs à la fois roses et blanches : ces derniers sont sans contredit les plus beaux. Lorsqu’ils sont en grand nombre, et alignés comme dans ce parc de Sapporo, ils présentent assurément un coup d’œil féerique. Les rayons du soleil, gracieusement tamisés par cette floraison si luxuriante, couvrent le sol de demi-couleurs et d’ombres diaphanes, semblables à celles qu’ils prêtent à tous les objets lorsqu’ils traversent les verrières multicolores de certaines de nos églises. Ces fleurs cependant ont trop peu de parfum pour en embaumer l’atmosphère ; et c’est ce qu’on pourrait regretter, si la jouissance de l’œil ne nous le faisait presque oublier.

Il va sans dire que les Japonais raffolent de ces fleurs, eux, si amants de la nature. Aussi, viennent-ils en grand nombre à ces fêtes.

On ne saurait concevoir toutefois que cette seule jouissance esthétique crée l’unique ou même le principal attrait pour cette foule. C’est là ce qu’il y a de pénible dans le spectacle du Hanami : pendant que la nature s’épanouit dans sa beauté la plus pure, l’homme, par un contraste écrasant, s’avilit dans le désordre et l’immoralité.

Et qui le croirait, en songeant que ce parc de fleurs est le bois sacré qui environne le temple ? Ne serait-on pas tenté de crier au sacrilège ? Et pourtant, dans l’esprit de ces païens, c’est tout le contraire : le temple