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PROPOS JAPONAIS

une parole compromettante de la bouche du missionnaire.

Un troisième obstacle, bien propre au pays, c’est la condition sociale du Japon moderne, au point de vue politique, économique et moral.

On sait déjà quelle admirable unité de gouvernement s’est acquis le Japon depuis l’empereur Meiji. On sait quelle reconnaissance et quel attachement la classe des fonctionnaires et celle des intellectuels professent envers leur souverain, sinon pour sa prétendue origine divine, — qu’ils se contentent d’affirmer sans y croire, — du moins pour les intelligentes et heureuses restaurations qui ont fait la gloire actuelle du pays. Au point de vue disciplinaire et administratif, toute la classe dirigeante est nettement et obstinément shintoïste ; cette religion est pratiquement la religion officielle de l’État, à l’exclusion de toute autre. Dès lors, tant que le catholicisme n’aura pas réussi à faire enfin ouvrir les yeux à cette classe dirigeante, il sera condamné à n’opérer en ce pays que de rares conversions.

La prospérité économique du Japon moderne détourne également de la religion catholique. Les païens ne cherchent le bonheur qu’ici-bas. Ils travaillent uniquement pour s’enrichir et se divertir. Or, grâce à l’importation du progrès étranger en ce pays, grâce surtout à la dernière guerre, qui fut, pour le Japon, un véritable coup de fortune, un nombre incroyable de gens, autrefois très pauvres, sont devenus subitement très riches. Aussi, ceux-là, contents de leur sort, sont-ils bien peu inclinés à embrasser une religion qui ne leur rapporte pas de gros intérêts. Les autres, dont ces exemples excitent l’émulation, caressent les mêmes ambitions et, s’achar-