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OBSTACLES À LA CONVERSION DU JAPON

nant à leur travail, ne trouvent le temps de penser ni à la religion, ni à leur âme. En somme, les uns et les autres ne voient dans nos saintes croyances que des rêveries plus ou moins béates, dépourvues à leurs yeux de sens pratique, flottant plutôt dans le monde des utopies et des chimères que dans celui de la réalité.

Enfin la morale publique paralyse les esprits droits et enchaîne les bonnes volontés.

Si l’on ne voulait juger le Japon que par l’extérieur, on se tromperait étrangement. Le Japonais est d’une incroyable fierté. Il considérerait comme une honte ignominieuse et impardonnable de passer pour déloyal ou débauché. De là tant de franchise apparente dans ses relations de politesse, de là, chez les femmes, tant de pudeur et de modestie dans la manière de se vêtir.

Mais autant le Japonais tient scrupuleusement à honneur de passer, aux yeux de l’étranger, pour un homme de mœurs intègres et irréprochables, autant il se préoccupe peu dans sa vie intime de rester en conformité avec cette ambition. Ses dehors brillants ne sont qu’un vernis superficiel et trompeur. En réalité, la plus froide injustice et la plus basse immoralité déchirent et ravagent la conscience populaire.

Le Japon possède une législation à peu près aussi parfaite que celle de tout autre pays, car elle a été importée comme tout le reste. Cependant, en pratique, ces lois ne sont exécutées que sur les injonctions et sous la surveillance de la police ; et, malgré tout, combien d’entre elles demeurent lettre morte, surtout quand les délinquants sont des officiers du gouvernement lui-même ! Aussi peut-on difficilement s’imaginer avec quelle ruse se pratiquent ici le vol et la fraude ! On en est venu