Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/266

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un agent de police. Étonné, il s’arrête et demande à un passant quels étaient ces deux hommes. — « Ce sont des Yaso », lui fut-il répondu : terme méprisant, qui signifie « Jésus », et par lequel les païens désignent encore les chrétiens. — Pourquoi les traite-t-on ainsi ? continue-t-il. — Parce qu’ils ne veulent pas renoncer à leurs croyances pour revenir aux religions du pays. — Mais quoi ! Est-ce que la liberté religieuse n’est pas proclamée en ce pays ? Et où donc enseigne-t-on ces croyances ? — On lui indiqua alors l’endroit où demeurait le missionnaire catholique. — C’est bien, fit-il, je vous remercie. Puis, sur-le-champ, il se rend chez le missionnaire et demande à se faire chrétien. Celui-ci, tout en admirant les excellentes dispositions de son visiteur, lui représenta, qu’en ces temps de haine et de persécution, il allait assurément exposer sa tête. Mais le jeune homme lui répondit avec ce fier courage qui ne s’est jamais démenti depuis : « Auguste Père, une religion pour laquelle on souffre et meurt doit être la véritable ; je veux devenir chrétien, et s’il faut mourir, tant mieux ! » Sans perdre de temps, il se mit, sous la direction du Père, à étudier le catéchisme ; et, après avoir subi patiemment la formation du catéchuménat, il reçut le baptême avec ferveur. Dans la suite, la persécution cessa, et le jeune néophyte n’eut pas l’occasion de souffrir pour sa foi ; mais il s’en dédommagea en attirant d’autres âmes à la vérité, et il y réussit si bien qu’on lui attribue, pour une bonne part, la conversion, à Sapporo, d’une centaine de chrétiens.

À l’heure qu’il est, ce brave vieillard n’est plus. Après avoir vendu plusieurs propriétés qu’il possédait dans le Hokkaido, il quitta la contrée, fit le pèlerinage de toutes