Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/277

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grave qu’elle ne pouvait plus faire entendre aucun son articulé. Cette nouvelle infirmité dura un mois et demi, puis disparut aussi subitement qu’elle s’était déclarée. Cette guérison soudaine était-elle due à de meilleures dispositions chez cette personne ? Cette femme avait-elle pris la résolution de se convertir, au cas où elle recouvrait la voix ? On ne saurait l’affirmer avec certitude. En tout cas, en eut-il été ainsi, la malade ne fit paraître aucun changement et resta dans les mêmes dispositions qu’auparavant.

Cinq mois après environ, le Père reçoit une lettre du mari de cette femme. On lui mandait que celle-ci était dangereusement malade et qu’elle demandait le baptême. Le Père s’y rend aussitôt et trouve en effet la femme complètement changée. Bien que extrêmement souffrante — car cette fois la nouvelle maladie que Dieu ajoutait à l’ancienne allait finalement l’emporter — elle supportait ses douleurs avec une patience admirable ; et les quelques paroles qu’elle prononçait avec peine jaillissaient d’un cœur profondément sincère. Elle n’avait plus, ni cet orgueil, ni cet esprit mondain, ni cette politesse hypocrite d’auparavant. Simple comme un enfant, elle avouait, sans respect humain, que les nombreux péchés de sa vie passée lui avaient mérité ses souffrances présentes, reconnaissant avec une foi vive la miséricorde divine, qui depuis si longtemps la pressait d’une façon si visible de courber son front devant lui ; puis elle demandait avec instance le saint baptême.

Le père était ravi d’admiration et ému jusqu’aux lamies. Jamais jusque-là, il n’avait constaté de si près le travail mystérieux de la grâce ; il en venait même à conclure que le bon Dieu n’a guère besoin du mission-