Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/276

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et bien instruite, elle trouvait, à tout le moins, dans cette étude, une utile distraction. Mais, chose étrange ! cette apparente docilité n’était que de surface ; elle n’obéissait aux désirs de la famille que d’une façon tout extérieure, pour ne pas paraître impolie ; d’autre part, elle étudiait comme par manière d’acquit, sans y mettre ni son âme, ni son cœur. Bien au contraire, au fond elle ne voulait pas devenir chrétienne et entretenait opiniâtrement ses répugnances. Enfin, elle avait presqu’une horreur de la prière et se montrait sur ce point tout à fait insouciante.

D’ailleurs, dans son esprit toujours païen, elle se retranchait derrière des raisons qu’elle croyait dictées par la plus rigoureuse prudence. Elle ne concevait la religion de son mari et de ses parents que comme une tradition de famille, à laquelle doit se conformer la femme qui y entre par le mariage, mais qu’elle peut abandonner, si par hasard elle vient à en sortir. Or cette jeune femme n’avait pas d’enfants ; et au Japon, n’avoir pas d’enfants est une cause de divorce : c’est-à-dire, que, dans ce cas, le mari peut congédier sa femme et la renvoyer chez ses parents. Cette femme se croyait donc, pour ainsi dire, toujours sur le qui vive, et elle s’attendait d’un jour à l’autre à être renvoyée dans sa propre famille. De là, pour une bonne part, ses hésitations et ses répugnances. Ajoutons à cela son orgueil, son esprit mondain et ses désordres, et nous comprendrons comment elle avait des yeux pour ne point voir.

Or, quelques jours après la visite du missionnaire rapportée plus haut, au cours de laquelle cette jeune femme avait exprimé son refus de recevoir le baptême, elle fut prise subitement d’une extinction de voix, si