Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/35

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son langage, la politesse japonaise est-elle quelque chose de plus ? A-t-elle cette autre qualité qui distingue la vraie politesse, qui vient du cœur ; je veux dire, est-elle sincère ? Hélas ! non ! Elle ne l’est pas. On a dit des Japonais qu’ils ont trois cœurs : un qu’ils révèlent à tout le monde, un autre, qu’ils révèlent à leurs amis, un troisième, qu’ils ne révèlent à personne. Assurément il y a de nobles exceptions, parmi lesquelles il faut compter nos chrétiens et, en plus, toute la classe enfantine. Oh ! les chers enfants japonais ! jusqu’à l’âge de quinze ans environ, ils sont si simples, si candides, si purs, si sincères et si bons ! Ils sont, sans contredit, les plus belles fleurs de ce pays des fleurs. Mais en général, chez les adultes et surtout chez les femmes, cette politesse est étrangement superficielle et formaliste. Impossible, la plupart du temps, de croire à leurs démonstrations. Pourtant, celles-ci paraissent si spontanées et si vraies ! C’est que les Japonais, comme tous les Orientaux formés par le bouddhisme, ont appris à dissimuler entièrement leurs sentiments. C’est au point qu’on ne peut réellement pas, d’après la seule expression de leur figure, deviner ce qu’ils pensent. Lors même qu’ils nous paraissent les plus polis, les plus avenants, les plus aimables, ils peuvent, au même instant, entretenir intérieurement des sentiments de mépris et nous détester profondément, — sentiments que, d’ailleurs, ils nourrissent à l’égard de tous les étrangers. — Certaines femmes, par exemple, se haïssent jusqu’à la perfidie ; si, par hasard, elles se rencontrent sur la rue, elles ne tarissent pas d’exclamations de joie apparente et ne cessent plus de se faire des inclinations ; vraiment c’est inouï d’hypocrisie !