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voix sonore et vibrante dominer le pétillement vorace des flammes et le tumulte frémissant de la foule. Docile aux ordres du chef, la manœuvre s’exécute avec rapidité, précision et succès. Il est bien rare que le feu ne soit vite dompté et les ravages de l’incendie complètement arrêtés.

Autrefois, au Japon, il y avait de si fréquents incendies qu’à Tôkyô (l’ancienne Yedo) on les appelait « les fleurs de Yedo. » Aujourd’hui il y en a un peu moins dans la capitale, à cause du nombre sans cesse croissant des maisons de pierre ou de brique, à cause aussi des rues plus larges et du contrôle plus sévère des agents de police, mais surtout à cause de l’organisation des brigades, sur le modèle et avec les machines de l’étranger.

Le fait si fréquent autrefois des incendies a eu dans la langue une répercussion intéressante. Le Japonais possède sur ce sujet un vocabulaire curieusement détaillé : par exemple, un incendie allumé à dessein s’appelle tsuke-bi ; causé par mégarde soso-bi ; si le feu commence chez soi, c’est un jikwa, s’il vient du voisin ou d’ailleurs, morai-bi, ruishô ; quand le feu va en diminuant, on le nomme shita-bi ; la flamme de l’incendie se dit hinote et son brasier hinomoto ; enfin keshi-kuchu désigne l’endroit par lequel on peut parvenir à éteindre le feu, et kwaji-mimai signifie la visite faite après l’incendie entre connaissances, pour offrir, ou des condoléances aux victimes des dégâts, ou des félicitations à ceux qui ont échappé au danger. À propos de cette visite, je note ceci de particulièrement amusant, qu’elle se fait même entre des gens qui, par l’éloignement de leurs demeures, avaient été entièrement hors de toute atteinte probable, au moment de l’incendie.