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ŒDIPE.

On sait comment les poëtes réglaient leurs comptes avec Foucquet. C’est en vers que la Fontaine donnait quittance de chacun des trimestres de sa pension ; ce fut en vers également que Corneille remercia le surintendant des premiers bienfaits qu’il en reçut. Dans la pièce qu’il fit à cette occasion, et qui est imprimée en tête d’Œdipe, il sollicite ainsi de Foucquet l’ordre de travailler de nouveau pour la scène[1] :

Choisis-moi seulement quelque nom dans l’histoire
Pour qui tu veuilles place au temple de la Gloire,
Quelque nom favori qu’il te plaise arracher
À la nuit de la tombe, aux cendres du bûcher.

Corneille, parlant dans son avis Au lecteur de ces vers présentés à Foucquet, ajoute : « Il me fit cette nouvelle grâce d’accepter les offres qu’ils lui faisoient de ma part, et de me proposer trois sujets pour le théâtre, dont il me laissa le choix. »

Le premier de ces sujets était Œdipe, le second Camma, que traita Thomas Corneille et qu’il fit représenter en 1661 ; on ignore quel était le troisième[2].

Corneille nous apprend que son Œdipe fut « un ouvrage de deux mois[3], » ce qui fait dire à Voltaire : « Il semble que Foucquet ait commandé à Corneille une tragédie pour lui être rendue dans deux mois, comme on commande un habit à un tailleur, ou une table à un menuisier[4]. » Il est probable au contraire que les ordres de Foucquet n’avaient rien de fort pressant, et que si Corneille s’est tellement hâté, c’est parce qu’il a voulu reparaître au théâtre dans les circonstances les plus favorables. Ce qui le préoccupait le plus, c’était de terminer son Œdipe « assez tôt pour le faire représenter dans le carnaval[5]. » C’était alors le moment de l’année où le théâtre, même tragique, était fréquenté le plus assidûment. Corneille avait eu d’abord l’intention d’abréger son travail

  1. Voyez ci-après, p. 122, vers 87 et suivants.
  2. Vie de M. Corneille. Œuvres de Fontenelle… édition de 1742, tome III, p. 110.
  3. Voyez ci-après l’avis Au lecteur p. 127.
  4. Remarques sur l’avis Au lecteur, édition de 1764, p. 16.
  5. Voyez ci-après l’avis Au lecteur, p. 126.