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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/104

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CHAPITRE PREMIER. — LES ORIGINES

ce qui révèle les premières tentatives et les premiers succès du génie humain, mais il faut reconnaître de plus, qu’en les laissant absolument de côté, on s’exposerait à mal apprécier ce qui a suivi. L’Iliade et l’Odyssée ne peuvent être bien étudiées qu’après qu’on s’est fait une idée de la lente évolution poétique dont elles marquent la phase la plus brillante. Considérées isolément, elles remplissent l’esprit d’un étonnement profond : on ne les comprend qu’en les rattachant à toute une série d’œuvres antérieures qu’il faut essayer au moins d’entrevoir.

D’ailleurs les découvertes récentes et presque quotidiennes de l’archéologie, ainsi que les progrès constants de la science historique, attirent en quelque sorte la pensée plus fortement qu’autrefois vers la haute antiquité du peuple grec. Si obscure que soit encore pour nous la période primitive, elle s’est éclairée pourtant de certaines lueurs qui encouragent l’imagination. Depuis que des recherches heureuses nous ont fait connaître quelque chose de la vie, des arts, du luxe même des anciens habitants de l’Argolide et de l’Attique, depuis qu’on s’est mis à suivre, dans les îles de la mer Égée, la trace des populations successives qui les ont habitées, depuis enfin que les vieux sanctuaires nous ont livré quelques-uns de leurs secrets, il semble qu’on soit moins téméraire en cherchant à deviner ce que les hommes de ces temps anciens ont pu penser et de quelles créations poétiques ils ont été capables. Ces Achéens, qui sont nommés dans les monuments égyptiens de la xixe dynastie et qui envahissaient l’Égypte sous Ménéphtah I, vers le xive ou le xve siècle avant notre ère, étaient sans doute déjà un peuple puissant[1].

  1. Maspéro, Hist. anc. des peuples de l’Orient, p. 251-253.