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PREMIER ÂGE DE LA POÉSIE

Leur vie matérielle, dont nous recueillons aujourd’hui les indices[1], nous autorise à nous représenter en quelque mesure une vie intellectuelle et morale qui en était l’efflorescence. Quand on voit les arts décoratifs, bien que relevant en grande partie de l’habileté manuelle, manifester, si longtemps avant la période historique, l’existence d’un goût déjà cultivé et jusqu’à un certain point indépendant, on se sent disposé à croire que d’autres arts, où l’esprit seul est en jeu, n’étaient pas alors complètement ignorés.

Et en effet la poésie se laisse entrevoir dans cette période obscure sous deux formes principales : l’une plus libre, à laquelle appartiennent les chants de deuil et d’hyménée, les péans, les thrènes ou lamentations, et quelques mélodies populaires accompagnées de paroles plus ou moins expressives ; l’autre plus régulière et presque hiératique, qui est celle des hymnes. La première contient déjà en germe quelque chose de ce qui sera plus tard la poésie lyrique ; nous en parlerons plus loin. La seconde n’est autre chose que le commencement même de la

  1. Collignon, Archéologie grecque, p. 18 : « La civilisation de ce peuple est empreinte d’une grandeur barbare ; l’or est prodigue dans les sépultures des chefs achéens de Mycènes. » L’influence orientale est sensible dans quelques-uns des bijoux trouvés à Mycènes par M. Schliemann dans les fouilles qu’il commença en 1874 ; mais le plus grand nombre de ces objets est le produit d’une industrie locale et accuse un style encore rude et imparfait. Tels sont les vases d’or, un grand plastron de même métal, et les boutons d’or repoussé et ciselé, qui décoraient les objets de bois ou de cuir, comme les pommeaux d’épée. Ces monuments offrent un système d’ornementation très original… C’est le même système qui prévaut sur les poteries faites au tour et décorées de peintures, trouvées dans les tombeaux ; or l’origine locale de ces vases ne saurait être douteuse. »