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SENTIMENTS RELIGIEUX ET MORAUX 503

atlention jalouse. Cette présence invisible est plus saisissante que de magnifiques descriptions :

« Présents au milieu des hommes, les Immortels surveillent ceux qui par des jugements injustes se font tort mutuelle- ment sans souci des dieux. Car il y a sur la terre nourricière trente mille Immortels, p^ardiens des hommes au nom de Zeus. Ils observent les jug^ements rendus et les actions mauvaises, enveloppés d'obscurité, errants çà et là sur la terre *. »

Croyance vraiment populaire et comme empreinte d'une terreur secrète. 11 s'agit là, il est vrai, de démons plutôt que de dieux proprement dits. Mais les dieux eux-mêmes ne sont pas conçus différem- ment. C'est leur puissance bien plus que leurs per- sonnes que le poète nous représente à tout moment, et cette puissance est aussi mystérieuse que redou- table :

« Les maladies viennent à nous de jour ou de nuit, sans attendre aucun ordre ; et c'est en silence qu'elles se glissent apportant la souffrance, car le prudent Zeus les a privées de la parole •. »

S'il les a ainsi rendues muettes, c'est pour mieux surprendre les hommes. L'imagination du croyant ne fait donc en réalité que personnifier l'inconnu dans ce dieu qui voit tout et qu'on ne voit pas {izTnx îBwv A'.s; G^ôaXiJLs; xal xivTJt vsY^^a;) '*. C'est un juge ou un ennemi qui épie sans cesse les hommes du fond de son obscurité. Il ressemble à la force cachée des choses qui ne se laisse deviner que par les coups qu'elle frappe. Et pourtant cette divinité à demi abs- traite est bien toujours le Zeus mythologique ; mais,

1. Travaux, v. 249-255.

2. Travaux, v. 102-104.

3. Travaux, v. 267.

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