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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/554

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S04 CHAPITBE XI. — LES TRAVAUX ET LES JOURS

par la simplicité naturelle de son âme, Hésiode sim- plifie involontairement la religion traditionnelle, et il faut avouer que sa pieuse naïveté l'élève, à un point de vue philosophique, bien au-dessus de la religion descriptive des aèdes ioniens.

Autre trait distinctif: cette simplicité a quelque chose de grave. La croyance hésiodique est sérieuse et pratique. Il semble que celle des Ioniens, sans être moins sincère, ait été plus extérieure, plus portée à se répandre en discours, plus sensible au plaisir des yeux et des oreilles. Il y a chez le poète-paysan d'Ascra plus de retenue et plus de profondeur: sa religion tient d'une manière intime à sa vie ; elle se tourne d'elle-même en morale. Esprit droit et net, plus vigoureux que souple, attaché aux notions sim- ples et solides et plus préoccupé d'action que de spéculation, il met cette religion tout entière au ser- vice de la justice, qui est pour lui la condition mémo de la vie sociale :

a La justice, dit-il, est la loi que le fils de Cronos a donnée aux hommes. Il appartient aux poissons, aux bêtes sauva^i^es et aux oiseaux qui volent dans les airs de se manger les uns les autres, parce que la justice n'est pas en eux. Mais à Thomnie, Zeus a donne la justice, qui est pour lui le premier des biens*. »

Les dieux d'Hésiode ne sont pas des dieux bons ni indulgents, mais ils sont justes, au moins quand la légende mythologique ne s'y oppose pas et quand leur intérêt personnel n'est pas en jeu, c'est-à-dire en somme dans toutes les circonstance ordinaires de la vie; cela suffit pour que le poète trouve dans sa foi une source de confiance et de force intérieure. Son œuvre est une âpre prédication poétique et reli-

1. Travaux, v. 276-280.

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